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Plus condamnés, mais toujours discriminés

Le rappeur Stress est une des têtes d’affiche de la campagne de l’Aide suisse contre le Sida aids.ch

Le diagnostic VIH positif n’équivaut plus automatiquement à une condamnation à mort. 70% des personnes atteintes peuvent même continuer à travailler. Mais les discriminations sont encore fréquentes. C’est le thème choisi par la Suisse pour la Journée mondiale du Sida 2011.

Michel Baudois est séropositif depuis 1996. «Un collaborateur porteur du VIH ne présente absolument aucun danger pour son environnement social», explique ce conseiller clientèle de 49 ans dans une grande compagnie d’assurances zurichoise.

A l’époque où est tombé le diagnostic, Michel Baudois pensait ne plus avoir que quelques mois à vivre. Mais grâce aux nouveaux traitements, il a pu revenir à la vie et au quotidien ordinaire d’un travailleur.

Alors qu’il n’y a pas si longtemps, le fait de se découvrir porteur du VIH signifiait le plus souvent la fin de la carrière professionnelle, il est désormais possible à de nombreux séropositifs de rester pleinement engagés dans leur job.

Parallèlement, l’Aide suisse contre le Sida a vu ces dernières années une augmentation nette des demandes de conseil juridique liées aux questions de rapports de travail.

Souvent, la discrimination prend la forme de mobbing de la part de l’entourage professionnel. Certains peuvent se montrer peu discrets sur la séropositivité d’un collègue, ou alors la direction peut soudain décider de diffuser une information au personnel «sur la manière d’éviter les infections»… Et il y a aussi des cas de licenciements.

Ignorance et préjugés

«Le plus souvent, ce sont l’ignorance et les préjugés qui aboutissent à ces licenciements ou à ces cas de mobbing», explique Bettina Maeschli, cheffe de la communication de l’Aide suisse contre le Sida.

Michel Baudois connaît bien cela. «Les discriminations ne venaient pas de l’entreprise, affirme-t-il clairement. C’était plutôt de l’ignorance de la part de certains chefs de département. Qui d’ailleurs étaient eux-mêmes un peu désemparés face à la situation.»

La compagnie qui l’emploie connaît alors une vaste restructuration, à la faveur de laquelle il est soudain décidé que le collaborateur «n’est pas à la bonne place». Michel Baudois demande alors immédiatement un entretien en tête à tête. «Je voulais entendre ce qu’ils avaient à me dire. Mais l’entretien n’a jamais eu lieu et on a laissé tomber les mesures que l’on avait prévues pour moi.»

Comme un diabétique

Tous les employés ne peuvent pas se défendre de cette manière, notamment lorsqu’ils sont en période d’essai. C’est ce qui est arrivé à deux connaissances de Michel Baudois. Sitôt leur état de santé connu, ils ont été licenciés sur demande de la caisse de pension de leur nouvel employeur, alors qu’ils étaient encore en période d’essai.

Bettina Maeschli connaît bien d’autres cas. Comme celui de cet homme «qui avait travaillé à 100% mais n’avait été payé qu’à 50, au prétexte qu’il était séropositif et ne pouvant de ce fait être pleinement productif. Ce qui est clairement un cas d’exploitation.»

Michel Baudois compare la vie d’un séropositif à celle d’un diabétique, qui doit simplement prendre son insuline tous les jours. «Je travaille à plein temps. Et si je compare avec mes collègues, je peux dire que je suis moins souvent absent pour maladie.»

«70% des séropositifs ont un travail et la plus grande partie s’y rendent tous les jours», confirme Bettina Maeschli. Mais les 84 cas de discrimination pour lesquels l’Aide suisse contre le Sida a dû intervenir en justice ces 12 derniers mois ne seraient que «la pointe de l’iceberg». L’organisation reçoit en effet chaque jour des appels de séropositifs qui se plaignent de problèmes à leur place de travail.

Pas de loi contre la discrimination

Depuis 2004, la Suisse dispose d’une loi sur l’égalité des personnes handicapées, mais celle-ci ne s’applique qu’au personnel de la Confédération. En comparaison internationale, le pays est donc plutôt en retard. «Il n’y a pas de loi contre la discrimination en Suisse», dénonce Bettina Maeschli.

Dans la pratique, cela signifie que le fardeau de la preuve revient au plaignant. Face à un tribunal, c’est à la personne qui s’estime discriminée de prouver qu’elle l’est bel et bien. L’Aide suisse contre le Sida s’engage, avec d’autres organisations, pour faire changer cet état de fait. «Nous essayons d’avoir une influence au niveau parlementaire», confirme Bettina Maeschli.

Règlements d’entreprise

Pour lutter contre l’ignorance et les préjugés sur le lieu de travail, l’Aide Suisse contre le Sida recommande aussi l’adoption de règlements d’entreprise consacrés à la question du VIH. Dans certaines grosses maisons comme Johnson & Johnson ou UBS, de tels règlements sont déjà en chantier.

«C’est une manière de montrer que l’on a une attitude ouverte sur le sujet et que tous les collaborateurs doivent être formés à aborder ces questions délicates», explique Bettina Maeschli.

Pour Michel Baudois, la peur des collègues porteurs du VIH est totalement infondée. «C’est plutôt au séropositif d’avoir peur. Si quelqu’un dans le bureau a un gros rhume, c’est le porteur du VIH qui risque l’infection. Et cela, on peut toujours l’expliquer.»

Le nombre de nouvelles infections par le VIH a atteint un plancher. Entre 1997 et 2010, il a chuté de 21% à 2,67 millions de cas au niveau mondial, selon les chiffres du Programme commun des Nations unies sur le VIH / Sida (ONUSIDA)

Le nombre total de personnes infectées et malades du Sida est estimé à 34 millions. Près de 68% d’entre elles (22,9 millions) sont en Afrique subsaharienne, une région où ne vit pourtant que 12% de la population mondiale.

L’an dernier, 1,8 million d’êtres humains sont morts du Sida dans le monde. Selon les estimations d’ONUSIDA, les thérapies ont permis d’éviter 700’000 morts supplémentaires.

En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique s’attend pour cette année à une stabilisation du nombre des nouvelles infections. Dans les neuf premiers mois, 403 cas ont été annoncés, contre 439 dans les neuf premiers mois de 2010. Pour l’ensemble de l’année, le chiffre devrait tourner autour de 600, contre 609 en 2010.

Depuis 1988, le 1er décembre est proclamé Journée mondiale du Sida. L’organisation en revient au Programme commun des Nations unies sur le VIH / Sida (ONUSIDA). La Journée célèbre la solidarité avec les personnes porteuses du virus et atteintes de la maladie.

La Journée 2011 est placée sous le thème «Getting to zero» (moins de cas, moins de discriminations). En Suisse, l’accent sera mis sur la lutte contre les discriminations dans le monde du travail.

(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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