
La Suisse se prépare à des risques accrus de sécheresse sévère

Les abondantes ressources en eau de la Suisse ne suffisent pas à la prémunir contre la sécheresse. Un nouveau dispositif national de suivi et d’alerte vise à s’assurer qu’il y aura assez d’eau disponible pour l’avenir.
L’été 2022 a été un avertissement sévère pour une bonne partie de l’Europe, frappée par la pire sécheresse qu’elle ait connue depuis 500 ans. Même la Suisse a dû faire face à des sources d’eau asséchées, des rivières aux niveaux historiquement bas et des lacs partiellement asséchés.
La sécheresse est un problème mondial, exacerbé par le changement climatique. La rareté en eau se fait de plus en plus prononcée et fréquenteLien externe. Ce phénomène n’affecte plus seulement les régions les plus chaudes et sèches de la planète, mais aussi les zones tempérées, comme justement la Suisse et toutes les Alpes. A terme, le climat en Suisse sera plus chaud et sec.
«À l’avenir, le risque de sécheresse en Suisse sera en augmentation à toutes les périodes de l’année.»
Paul Steffen, Office fédéral de l’Environnement
Les sécheresses peuvent entraîner des pénuries d’eau pour la population, mettre en péril les récoltes et aggraver le risque de feux de forêts. Lorsque le courant d’eau dans les rivières diminue, les centrales hydroélectriques produisent moins d’énergie et la navigation devient plus difficile.
«À l’avenir, le risque de sécheresse en Suisse sera en augmentation à toutes les périodes de l’année, estime Paul Steffen, directeur suppléant de l’Office fédéral de l’Environnement. Nous devons nous préparer et prendre des mesures pour préserver nos ressources en eau et limiter les pénuries», ajoute-t-il.
En réponse à cette menace grandissante, la Suisse a décidé d’élargir son système d’alerte aux catastrophes naturelles pour y inclure la sécheresse. Le 8 mai, les agences fédérales responsables de l’environnement, la météorologie et la topographie ont inauguré une nouvelle plateforme en ligneLien externe qui affiche la situation actuelle de la sécheresse et prévoit ses développements à venir.
L’initiative suisse place la sécheresse au même niveau que d’autres dangers. Elle permettra à la Suisse de planifier et réagir aux sécheresses à venir.
«À ma connaissance, la Suisse est le seul pays qui traite la sécheresse de la même manière que les autres catastrophes naturelles. Nous avons le même système d’alerte pour les tremblements de terre, les ouragans et autres catastrophes», dépeint Vincent Humphrey de l’Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse).

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Comment fonctionne le système d’alerte suisse à la sécheresse?
La nouvelle plateforme combine des données météorologiques, hydrologiques et satellite. Elle fournit des informations à jour sur les précipitations, les courants des rivières et les niveaux des lacs dans toutes les régions de Suisse.
Un indicateur de sécheresse qui intègre tous les facteurs pertinents fournit une vision d’ensemble de la situation actuelle et permet de faire des prédictions sur les quatre semaines à venir. Dans l’éventualité d’une sécheresse, le système émet des alertes fondées sur trois niveaux de danger (faible, modéré ou prononcé).
Des données de mesures de l’humidité des sols et de la température de l’eau seront ajoutées en 2026. MétéoSuisse établira alors un réseau national de capteurs pour détecter l’humidité des sols à différents emplacements du pays en temps réel.
Le système d’alerte à la sécheresse sera achevé en 2031. «On voudrait également intégrer des prévisions concernant la demande en eau des centrales et de la population», précise Vincent Humphrey.
Qu’est-ce que la sécheresse?
Il s’agit d’un manque prolongé d’eau à cause de précipitations insuffisantes ou d’évaporation importante.
La sécheresse météorologique survient quand il ne pleut pas pendant une longue période. En Suisse, cela signifie que moins d’un millimètre d’eau est mesuré dans une station pour la période la plus longue.
La sécheresse hydrologique survient quand les niveaux d’eau au sein des lacs et des rivières chutent en-dessous d’un certain seuil. La sécheresse agricole survient quand les sols sont très secs et que les racines des plantes n’obtiennent pas suffisamment d’eau.
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Quelles sont les causes de la sécheresse?
La persistence d’une zone à haute pression atmosphérique, qui limite la tombée de la pluie et maintient des températures élevées, constitue l’une des principales causes de sécheresse.
L’augmentation de la consommation et de l’utilisation d’eau, à cause par exemple de l’accroissement de la population, sont aussi susceptibles de causer des déficits en eau, tandis que la déforestation et l’agriculture intensive assèchent les sols.
Le changement climatique causé par l’activité humaine est aussi source de sécheresses ou, plutôt, il augmente la probabilité qu’elles surviennent.
Des épisodes de sécheresse plusieurs fois par an, comme ceux qui ont affecté le Chili, le sud-ouest des Etats-Unis et l’Australie, sont devenus plus fréquents, plus longs et plus extrêmes au cours des 40 dernières années, selon une étude récenteLien externe menée par l’institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).
Pourquoi est-il important de prédire les sécheresses?
Le fait de savoir quand se produiront les périodes d’accès réduit à l’eau permet aux agriculteurs ou aux opérateurs de centrales hydroélectriques de mieux planifier, respectivement, l’irrigation de leur terrain et leur production électrique. Les services forestiers peuvent de leur côté prendre des mesures pour prévenir les feux de forêt.
Un système d’alerte à la sécheresse permet aussi de prévoir des alternatives au transport fluvial et lacustre. Le transport de marchandises sur le Rhin, par exemple, est essentiel à l’exportation et à l’importation de biens suisses. La suspension de ce service à cause de niveaux de rivière trop bas – les niveaux du Rhin se trouvent actuellement en-dessous de la moyenne des 30 dernières annéesLien externe – pourrait affecter le commerce et l’économie nationale.
« «Si nous avions eu ce type de système dès 2022, la communication auprès de la population aurait été beaucoup plus efficace.»
Mauro Veronesi, Office de la protection de l’eau et des ressources en eau dans le canton du Tessin
L’information et les alertes précoces permettent aux autorités de sensibiliser l’opinion publique à propos de la consommation d’eau, et si nécessaire, d’introduire des mesures concrètes. Par exemple, l’interdiction de laver sa voiture ou de remplir sa piscine privée.
«Si nous avions eu ce type de système dès 2022, la communication auprès de la population aurait été beaucoup plus efficace. Les autorités auraient eu moins de mal à convaincre les gens de consommer raisonnablement de l’eau», déclare Mauro Veronesi, qui dirige l’Office de la protection de l’eau et des ressources en eau dans le canton du Tessin, l’une des zones les plus touchées par la sécheresse.
La capacité de faire des prédictions plusieurs semaines à l’avance nous aide à gérer nos ressources en eau de manière plus durable, ajoute-t-il.
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Que font les autres pays confrontés aux sécheresses?
La Suisse s’est inspirée de solutions adoptées par des pays historiquement plus affectés par la sécheresse, selon Vincent Humphrey.
Parmi ces pays, il y a les Etats-Unis, qui ont inauguré un système de suivi de la sécheresseLien externe en 1999. Il consiste en un indicateur intégré et une carte mise à jour à un rythme hebdomadaire, qui montre l’intensité des sécheresses. Le système américain, le plus sophistiqué au monde, fournit des prévisions mensuelles et saisonnières.
Certains membres de l’Union européenne utilisent l’Observatoire européen de la sécheresse. Inauguré en 2007, cet outil analyse les précipitations, l’humidité des sols, le niveau des eaux souterraines et le stress hydrique de la végétation, entre autres indicateurs.
«Néanmoins, les courants des rivières sont définis sur la base de modèles informatiques, alors qu’en Suisse, nous disposons de mesures prises à partir du terrain», souligne Vincent Humphrey.
Cependant au niveau global, les systèmes d’alerte à la sécheresse ou à d’autres catastrophes naturelles ne couvrent même pas un tiers de la population mondiale.
Texte relu et vérifié par Virginie Mangin, traduit par Pauline Grand d’Esnon / ptur
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