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Suisse-ONU: les petits aussi ont droit à la parole

«La Suisse à l´ONU, pour quoi faire? Face aux grands, les petits n´ont qu´à se taire!» On entend souvent ce genre d´argument. Mais ceux qui suivent les assemblées internationales disent par expérience une réalité différente. Démonstration par l´exemple.

La Suisse se verrait-elle à ce point isolée dans la maison onusienne qu’il ne sert à rien d’y entrer? Le Forum suisse de politique internationale, qui la semaine dernière à Genève tenait colloque sur la question de l’adhésion, ne pouvait ignorer pareille objection.

Mais, avant toute chose, ses participants ont balayé d’un revers de main deux idées fausses quoique tenaces. La Suisse, d’abord, n’est pas un cas à part. «Il faut cesser d’argumenter sur le ‘Sonderfall Schweiz’, déclare d’emblée l’ambassadeur Edouard Brunner, président du Forum. Nous sommes certainement un cas spécial, mais il y en a 189 autres à l’ONU!»

L’économiste Georges-André Cuendet s’en prend quant à lui à cette «arrogance de la petitesse» que semblent cultiver les Suisses: «Nous nous glorifions d’être petits, mais la Suisse n’est pas un petit pays. Elle l’est certes en termes de population et de superficie, elle ne l’est pas sur le plan économique.»

Et d’argumenter sur le fait que la Suisse est la vingtième puissance économique mondiale et probablement, dans le domaine de la finance, l’un des quatre ou cinq pays les plus importants du monde. Autrement dit, «si la Suisse capitalisait sur sa taille réelle, elle pourrait jouer un rôle beaucoup plus important qu’on ne le croit».

Alors, la Suisse pourra-t-elle vraiment défendre ses intérêts dans une enceinte qui compte 189 pays? Jean-François Giovannini, directeur adjoint de la Coopération suisse au développement (DDC), en est persuadé. Il en a fait l’expérience à maintes reprises.

Cela suppose, dit-il, que l’on ait une vision claire des objectifs que l’on poursuit, que l’on en rechigne pas à dégager les moyens personnels et financiers nécessaires à leur réalisation, et que l’on crée des alliances avec ceux qui partagent les mêmes préoccupations.

A l’Assemblée générale des Nations Unies, «ce conseil communal du village global», tous les pays sont égaux. Comme dans tout parlement, c’est la qualité du travail d’alliance qui fait que n’importe quel membre peut défendre efficacement ses intérêts. Sans oublier qu’il faut agir aussi avec la société civile et toutes les ressources humaines existantes.

Et Jean-François Giovannini d’expliquer comment la Suisse, à Rio en 1992, a fait insérer dans le fameux Agenda 21 un chapitre spécial sur la montagne. Elle le voulait, ce chapitre, parce que les montagnards sont minoritaires dans le monde (400 millions environ) et politiquement sous-représentés dans la plupart des pays.

La Suisse défendait le principe que la montagne est un domaine spécifique à prendre en compte en matière d’environnement et de développement. Mais elle ne pouvait le faire seule. De plus, à l’époque, compétences et connaissances étaient fort dispersées.

Elle a tenu son pari en constituant un solide dossier scientifique avec l’appui des universités et en faisant alliance avec des pays comme le Népal, le Pérou ou le Kenya. Résultat: la délégation suisse est arrivée à Rio avec un texte déjà prêt et soutenu par la seule coalition nord-sud de la Conférence. Faire adopter le chapitre 13 ne fut qu’une formalité.

Aujourd’hui il existe un réseau scientifique international pour les questions d’environnement et de développement dans les régions de montagne (International Centre for integrated mountain development). Et 2002 a d’ores et déjà été proclamée «Année de la montagne».

Laissons la morale de l’histoire à Jean-François Giovannini: «Ce chapitre 13 et toutes ces activités n’existeraient pas si la Suisse ne s’était pas engagée. Nous n’étions pas les seuls, mais nous avons été un élément déterminant. Beaucoup de pays dans le monde ont les mêmes intérêts et les mêmes idées que nous. Quand on s’allie avec eux et que l’on fait un bon travail de préparation, on arrive très souvent à faire passer nos idées.»

Bernard Weissbrodt

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