Swissair: les députés demandent des comptes
Les députés veulent créer une commission d'enquête parlementaire sur la faillite de Swissair. Deux organes de l'Etat sont visés.
Cette commission d'enquête parlementaire (CEP) a été demandée via une initiative parlementaire de la conseillère nationale Doris Leuthard (PDC/AG). L'élue veut savoir si l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) a rempli correctement son rôle de surveillance dans cette affaire.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie est également visé. En effet, le seco n'a pas su anticiper une crise aux conséquences aussi importantes pour l'économie helvétique. Un manque d'autant plus étonnant que certains analystes du Credit Suisse avaient tiré la sonnette d'alarme.
Respect du contribuable
Pour Doris Leuthard, la création d'une CEP est donc tout à fait justifiée. «Une situation extraordinaire demande des mesures extraordinaires.»
Par ailleurs, pour la députée argovienne, il est nécessaire de rendre des comptes aux contribuables d'une façon tout à fait transparente. En effet, cette déconfiture de la compagnie aérienne nationale aura coûté pas moins de 2,1 milliards de francs aux caisses fédérales.
Les opposants à création d'une CEP ont, quant à eux, surtout insisté sur l'inutilité de la mesure. En effet, une sous-commission de la Commission de gestion (CdG) du Conseil des Etats enquête déjà sur les causes de la faillite. «La CEP ne pourrait que répéter l'exercice, de plus avec un retard de plusieurs mois», fait remarquer Fulvio Pelli (PRD/TI).
En outre, une telle enquête serait dangereuse pour les intérêts de la Confédération. «Elle laisserait en effet croire à la population que le Parlement est en mesure d'éclaircir l'affaire Swissair dans tous ses aspects, affirme Fulvio Pelli. Ce qui n'est manifestement pas vrai.»
Au final, la proposition de Mme Leuthard a passé la rampe d'extrême justesse par 89 voix contre 88 et 3 abstentions. Cette majorité a été obtenue grâce au soutien des démocrates-chrétiens, des démocrates du centre, des libéraux, du Parti évangélique et de quelques socialistes romands.
Une autre initiative parlementaire issue des rangs de l'UDC a, en revanche, été refusée par 88 voix contre 85. La proposition de l'UDC allait dans le même sens que celle de Mme Leuthard. Mais elle demandait en outre des éclaircissements sur des problèmes de sécurité à l'aéroport de Kloten. Les députés ont donc dit non, considérant qu'il n'y avait pas unité de matière.
Une mesure très rare
Seules quatre CEP ont été mises sur pied au cours des quarante dernières années. La première avait été instaurée en 1965, dans le cadre de l'«affaire des Mirage». Et elle avait été créée sans base légale (une lacune législative comblée en 1966).
Depuis, trois autres CEP ont été instaurées. L'une, en 1989, dans le cadre de l'«affaire Kopp». L'autre, en 1990, pour enquêter sur les pratiques des services de renseignement («affaire des fiches»). Et la dernière, en 1995; pour en savoir plus sur les problèmes de la Caisse fédérale de pension.
Pour mémoire, une CEP dispose de pouvoirs étendus pour faire la lumière sur une affaire. C'est la raison pour laquelle sa création constitue un signe politique fort.
Mais il reste encore une étape à franchir avant qu'une commission d'enquête parlementaire puisse se pencher sur la faillite de Swissair. Le Conseil des Etats doit en effet encore se prononcer. Et, pour l'heure, il est difficile de faire des pronostics.
Mathématiquement, la situation est équilibrée. Le PDC et l'UDC disposent de deux sièges de moins que les radicaux et les socialistes. Le vote des socialistes romands pourrait donc être déterminant.
Reste par ailleurs à voir si la Chambre haute oserait désavouer le signe politique fort donné par la Chambre du peuple.
swissinfo/Olivier Pauchard, Palais fédéral

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