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Tour de vis en vue pour les fiduciaires

Les fiduciaires doivent examiner les comptes des entreprises à la loupe. swissinfo.ch

Parmalat n’est pas un cas isolé. Les scandales financiers se multiplient. Raison pour laquelle les lois sur les révisions comptables ont été renforcées.

Face à des normes américaines plus sévères, les fiduciaires suisses demandent également davantage de contrôle de l’Etat.

Swissair, Enron, Worldcom… L’effondrement spectaculaire de ces poids lourds n’était qu’un début. Depuis, le groupe Erb ou encore l’empire Parmalat ont connu le même destin. Et ce n’est pas fini: déjà, des bruits courent sur la santé du groupe Adecco.

Ces entreprises, de véritables poids lourds dans leurs domaines d’activités respectifs, se sont écroulées comme des châteaux de cartes. L’examen de leurs comptes a en outre permis de découvrir de véritables gouffres financiers.

Ces affaires ont coûté des emplois et ont fait perdre de l’argent aux actionnaires. Mais elles ont également mis à mal la crédibilité de la classe dirigeante et du système économique tout entier.

Les causes de ces débâcles sont multiples: stratégies erronées, marché en contraction ou encore managers malhonnêtes. Mais, bien souvent, elles sont également dues à des révisions comptables incomplètes, superficielles ou même complaisantes.

«Dans toutes ces affaires, les contrôles n’ont pas fonctionné comme ils auraient dû, relève Rudolf Strahm, député socialiste spécialiste des questions économiques. Or si les révisions ne sont pas irréprochables, les manipulations sont possibles.»

Le modèle américain

Après que l’affaire Enron eut ébranlé jusqu’à la Maison Blanche, les Américains ont été contraints de réagir très vite. Ils l’ont fait en 2002 avec le Sarbanes-Oxley Act.

Cette loi prévoit que les organes de révision reçoivent une habilitation de l’Etat et qu’ils soient contrôlés une fois par an. Elle impose également l’indépendance des réviseurs. Ceux-ci ne peuvent plus assumer d’autres tâches (consulting ou marketing) auprès des entreprises pour lesquels ils travaillent.

Il s’agit donc d’un vrai tour de vis qui, de fait, place les fiduciaires américaines sous la tutelle de l’Etat. Détail important: ces règles s’appliquent également aux fiduciaires étrangères actives sur le sol américain ou qui entendent certifier les comptes de sociétés américaines à l’étranger.

Cette situation a poussé les grandes fiduciaires helvétiques à demander à la Confédération d’appliquer en Suisse des normes similaires à celles des Etats-Unis. «Faute de quoi elles n’auraient plus pu travailler aux Etats-Unis ou avec des sociétés américaines installées en Suisse», explique Heinrich Koller, directeur de l’Office fédéral de la Justice (OFJ).

Une procédure éclair

Les autorités suisses ont réagit avec rapidité. A l’issue d’une procédure éclair, le gouvernement présentera un projet de nouvelle loi aux Chambres, probablement en mars déjà.

Ce projet prévoit notamment davantage de surveillance, la rotation des réviseurs et une séparation entre le consulting et la révision.

«Les grandes sociétés de révision devront obtenir une licence de l’Etat, être enregistrées et fournir toute une série de documents une fois par an», précise Heinrich Koller.

Les Américains se sont dit satisfaits. «Ils ont jugé que notre système était bon, dit le directeur de l’OFJ. Jusqu’en 2007, ils n’effectueront donc aucun contrôle en Suisse.»

Le Parti socialiste se battait depuis longtemps pour augmenter la pression de l’Etat sur les sociétés de révision. «J’avais déposé différentes initiatives parlementaires dans ce sens avant même les nouvelles normes américaines», se souvient Rudolf Strahm.

«Mais je n’aurais jamais eu le courage d’aller aussi loin et de demander une vraie surveillance étatique», précise-t-il. Le député socialiste estime cependant que le point concernant l’indépendance des réviseurs reste insuffisant.

Par ailleurs, Rudolf Strahm est d’avis que le projet de loi a été élaboré trop rapidement. «La procédure de consultation a été fulgurante et la loi n’est pas suffisamment limitée, plaide-t-il. Une partie des fiduciaires n’est absolument pas satisfaite. Les débats parlementaires risquent donc d’être longs.»

En effet, contrairement aux grandes sociétés, complètement en faveur du projet, les petites et moyennes fiduciaires craignent une augmentation insupportable des contrôles pour finalement peu d’avantages.

Fin des scandales?

En Italie également, le gouvernement s’emploie à restaurer la confiance des petits investisseurs un mois et demi après le krach Parmalat.

Rome a adopté ce mardi un projet de loi renforçant la protection de l’épargne et les sanctions contre les contrevenants.

C’est qu’il y avait urgence: il y a deux semaines, l’Institut d’études et analyses économiques italien indiquait que le moral des consommateurs était descendu au plus bas niveau depuis dix ans.

On peut tout de même se demander si des normes plus sévères suffiront à éviter de nouveaux scandales. Pour l’heure, il est difficile de le dire. Mais une chose est sûre: la révision des comptes reste une tâche fondamentale.

«La société de révision est l’organe le plus important, bien plus que le conseil d’administration, conclut Rudolf Strahm. La fiduciaire est la seule à pouvoir contrôler réellement des comptes des entreprises. Elle peut le faire pendant des semaines, alors que les administrateurs ne se réunissent que quelques fois par an.»

swissinfo, Marzio Pescia
(traduction: Olivier Pauchard)

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