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Tous les ex-dirigeants de Swissair acquittés

La débâcle de la compagnie nationale avait déclenché un électrochoc en Suisse. Keystone

Le Tribunal de district de Bülach, dans le canton de Zurich, a acquitté les 19 ex-responsables de Swissair. Ils étaient accusés d'avoir provoqué la débâcle de la compagnie aérienne nationale par leurs omissions et leurs erreurs de gestion.

Aux accusés, qui avaient plaidé non coupables, la cour a par ailleurs accordé des indemnités à hauteur de trois millions de francs.

Près de six ans après la débâcle de la compagnie nationale, le verdict est tombé jeudi dans ce qui apparaît comme le plus grand procès de l’histoire économique suisse.

Au total, 19 accusés, tous membres des instances de direction de la compagnie nationale Swissair et pour la plupart membres de l’élite économique de la Suisse des années 1990, ont comparu devant le Tribunal de district de Bülach entre janvier et mars 2007.

L’acte d’accusation leur reprochait, entre autres, des délits de gestion déloyale, gestion fautive, faux renseignements sur des entreprises commerciales, faux dans les titres, diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers et avantages accordés à des créanciers.

Durant les 29 jours d’audience, leurs avocats avaient demandé leur acquittement et une indemnisation. Pour leur défense, les ex-dirigeants avaient notamment évoqué les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis pour justifier les options prises à l’époque.

De son côté, le Ministère public du canton de Zurich avait exigé des peines de prison de 6 à 28 mois et pécuniaires de 38’000 à plus d’un million de francs. Il n’a été en aucun point suivi par les juges.

Derniers patrons acquittés

La Cour du Tribunal de district de Bülach, présidée par le juge Andreas Fischer, a en effet annoncé l’acquittement des trois derniers patrons de SAirGroup. A savoir Mario Corti, Philippe Bruggisser et Eric Honegger.

Principal accusé et dernier patron de la compagnie, Mario Corti était le seul à risquer une peine ferme. Il a aussi été le seul à saisir l’occasion du procès pour s’expliquer publiquement, les autres accusés ayant choisi de se taire.

Contre Mario Corti, le procureur avait réclamé 28 mois, dont six ferme, ainsi qu’une peine pécuniaire de 1,08 million de francs. Au terme du procès de Bülach, il se voit allouer une indemnité de procès de quelque 488’000 francs.

Quant à Philippe Bruggisser, patron du groupe de 1997 à 2001 et instigateur de la stratégie du chasseur souvent considérée comme la véritable cause de la débâcle de Swissair, il risquait 15 mois de prison et 150’000 francs d’amende.

Enfin, le procureur réclamait des peines de huit mois de prison et de 90’000 francs contre Eric Honegger. Président du conseil d’administration de SAirGroup et directeur de janvier à mars 2001, l’ancien directeur des finances du canton de Zurich a également été lavé d’une accusation de fraude fiscale qui pesait sur lui.

Transactions justifiées

Les huit anciens administrateurs de Swissair – Vreni Spoerri, Thomas Schmidheiny, Lukas Mühlemann, Gaudenz Staehelin, Andres Leuenberger, Bénédict Hentsch, Antoine Hoefliger et Gerhardt Fischer – ont également été blanchis.

Sont aussi acquittés les anciens chefs des finances Georges Schorderet et Jacqualyn Fouse, ainsi que l’ex-responsable de la division impôts, Andreas Simmen, et l’ancienne juriste en chef de SAirGroup Karin Anderegg Bigger.

Par la voix de son président Andreas Fischer, la cour a expliqué l’acquittement de tous les inculpés par des raisons juridiques. Au moment des faits, les administrateurs et les responsables de SAirGroup ont effectué des transactions qui étaient économiquement justifiées. Selon les juges, leurs efforts visant à assainir la compagnie en difficulté, «finalement vains», sont néanmoins à louer.

Satisfaits et pas surpris

Du côté des prévenus, la satisfaction est discrète mais manifeste. Le banquier genevois Bénédict Hentsch, qui était resté à la barre du SAirGroup jusqu’au dernier moment, s’est dit «satisfait» et «pas surpris». Il a déclaré qu’il avait toujours considéré l’accusation comme étant «infondée».

Ancienne figure de proue de la droite économique helvétique, l’ancienne conseillère aux Etats zurichoise Vreni Spoerry s’est elle dit «satisfaite» car «les juges ont estimé que le conseil d’administration n’avait jamais agi de manière malintentionnée ou délictueuse».

«Je suis content que le jugement établisse que je n’ai rien commis de condamnable», a renchéri l’industriel Thomas Schmidheiny. Quant à Eric Honegger, il a souligné que cette «victoire» l’accompagnerait «jusqu’à la fin de ses jours».

Sur le plan juridique enfin, le professeur de droit pénal Daniel Jositsch se dit «peu surpris» par cet acquittement général. «La tâche du ministère public n’est pas d’écrire l’histoire de la tragédie Swissair. Son devoir est uniquement de mettre en accusation des actes potentiellement délictueux pénalement» a-t-il déclaré jeudi à la télévision alémanique.

Le Ministère public peut désormais interjeter recours contre le jugement auprès du Tribunal cantonal de Zurich dans les dix jours. Il procédera d’abord à une analyse approfondie du verdict rendu par le Tribunal de district de Bülach.

La procédure aboutissant au procès pénal autour de Swissair a duré près de cinq ans. Un autre procès, sur le plan civil celui-ci, est en préparation.

swissinfo et les agences

La faillite de Swissair a été la plus importante de l’histoire économique suisse. Il s’agit aussi de l’une des plus grandes débâcles économiques au niveau européen.

Près de 4 milliards d’argent public et privé ont été injectés pour tenter de sauver la compagnie en banqueroute. Elle survivra en partie dans Swiss, issue d’une fusion de Swissair et de la compagnie régionale suisse Crossair en 2002.

La débâcle de Swissair a occasionné la perte de 9000 postes de travail.

Lors de la phase de liquidation, 13’000 créanciers ont déposé des demandes de recouvrement pour une somme totale de quelque 49 milliards de francs. Le liquidateur a reconnu la validité des demandes à hauteur de 9,7 milliards, mais 1,6 milliard seulement était à disposition.

Les 19 ex-dirigeants de la défunte compagnie aérienne comparaissant à la barre du Tribunal de Bülach dans le cadre du procès Swissair ont été blanchis.

Mario Corti se voit allouer une indemnité de 488’000 francs.

Jacqualyn Fouse: 230’000 francs.

Lukas Mühlemann: 196’000 francs.

Bénédict Hentsch: 192’000 francs.

Vreni Spoerry: 187’829 francs.

Eric Honegger: 99’000 francs.

Jan Litwinski: 32’256 francs.

Andreas Simmen: 18’000 francs.

Philippe Bruggisser: 80’000 francs, mais il devra participer aux frais du procès.

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