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Tout – ou presque – doit disparaître!

Ruedi Rast devant le siège d’Expo.02, à Neuchâtel. swissinfo.ch

Expo.02, dernier jour, dernières émotions. Matériellement, que restera-t-il? Pas grand chose, puisque tout y est - en principe - éphémère.

Pour faire le point sur cette question, rencontre avec l’architecte Ruedi Rast, directeur technique d’Expo.02.

Ce dimanche, les visiteurs d’Expo.02 arpentent les quatre arteplages pour la dernière fois. Au programme de cette 159ème et ultime journée, quelques moments officiels, beaucoup de musique, et, c’est certain, une vraie grosse fête.

C’est à quatre heures du matin que les portails se refermeront définitivement sur l’exposition nationale millésime 2002. Resteront des souvenirs, nombreux. Mais quelles traces matérielles?

«Tout doit disparaître!» tel était à l’origine le mot d’ordre concernant Expo.02. Pourquoi une telle intransigeance?

Permis de construire et coûts

Tout d’abord parce qu’Expo.02 a choisi de s’édifier au cœur des quatre villes concernées. Dans les meilleurs endroits, les zones les plus protégées, et donc non constructibles.

Les permis de construire, provisoires, ne portaient donc que sur une période de 159 jours. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait fallu obtenir des permis permanents, avec ce que ça implique d’oppositions possibles: «On n’aurait pas encore mis une seule pierre sur une autre», constate l’architecte et urbaniste bernois Ruedi Rast, directeur technique d’Expo.02.

Deuxième élément: les coûts. Le provisoire est beaucoup moins cher que le permanent. On a donc largement utilisé des échafaudages, des containers, des bâches. Et le métal – à l’exception de la superstructure du Nuage d’Yverdon – n’a pas été traité contre la corrosion.

De même, les fondations du «Palais de l’Equilibre» ou les toits des fameux «Galets», à Neuchâtel, n’ont pas été conçus pour résister à l’hiver.

L’éphémère, garantie de créativité

Et puis il y a la dimension philosophique: «Des éléments qui resteraient, ce serait comme des ruines, détachées de leur contexte. C’est peut-être mieux de laisser grandir la légende, la réalité virtuelle, sans qu’elle soit gênée par des choses qui ne seraient plus compréhensibles dans le paysage», commente Ruedi Rast.

Ce qui n’empêchera pas la population d’avoir un sentiment de gâchis. En Suisse, on préfère en général les dépenses «utiles». Mais pour le directeur technique, c’est justement cet aspect provisoire qui aura permis une explosion de créativité.

«Grâce à ça, il n’y a pas eu d’arrière-pensées, pas de volonté de réutilisation, du genre nouvelle salle polyvalente, ou nouveau quartier conçu pour rester. Et les équipes étaient donc beaucoup plus libres. C’est ça qui a permis d’inventer des choses formidables comme des Galets géants, un monolithe flottant ou un Nuage», s’enthousiasme Ruedi Rast.

Mais justement, à cause de leur dimension extraordinaire, les populations locales se sont prises d’affection pour ces superbes objets. Et peut-être d’un sentiment de propriété, comme l’analyse le directeur technique: «Cela me plaît, alors je dois l’avoir! C’est typique de nos sociétés capitalistes. Je comprends de telles réactions, et c’est même flatteur pour nous!»

Pas si simple

Ainsi, un groupe privé persiste à vouloir garder le Monolithe de Morat, alors même que la Ville y a renoncé pour cause de frais d’entretien exorbitants.

Même chose à Neuchâtel à propos du «Palais de l’Equilibre», vaste sphère de bois qui par ailleurs intéresse toujours Genève. Yverdon-les-Bains aimerait voir le «Nuage» devenir le siège de la «Maison d’Ailleurs» (musée de la science-fiction), d’un restaurant et d’un bureau de l’Agence spatiale européenne. Beau projet, suspendu à une décision qui tombera vraisemblablement en décembre.

Mais même si certaines villes décident de garder de tels bâtiments, tout ne sera pas gagné pour autant. Car le provisoire deviendrait alors définitif. Ce qui implique un changement de ‘plan de zone’. L’acceptation par le Canton. Les possibilités, pour la population, de s’opposer juridiquement. Peut-être un passage par le Tribunal fédéral.

«Cela peut-être long. Et que ferait-on avec les objets en question pendant ce temps? Dans un tel contexte, qui oserait investir sur eux?» s’interroge Ruedi Rast.

Mais ce n’est pas tout. Deux autres problèmes sont de taille. Le premier est technique: on l’a dit, les bâtiments d’Expo.02 n’ont pas été construits pour durer. Hausse des prix en perspective.

Le deuxième est juridique: les immeubles sont propriété des entreprises générales, qui ont elles-mêmes des sous-traitants et des sous-traitants de sous-traitants. D’où de très complexes procédures en perspective, notamment à propos des travaux auxquels chacun a droit contractuellement. A nouveau, hausses de coûts monumentaux.

L’arc-en-ciel Expo.02

Resteront, resteront pas? Mystère. Mais les décisions devront tomber rapidement. Expositions et infrastructures légères (restaurants, théâtres) seront démontées d’ici la fin de l’année. Dès le 1er janvier 2003, ce sera au tour des superstructures, galets neuchâtelois et autres tours biennoises. Le réaménagement des terrains se poursuivra jusqu’en automne 2003. Enfin, les plate-formes de Bienne et Neuchâtel seront démantelées d’ici fin 2004… si tout va bien.

Parmi tous les bâtiments disparus d’Expo.02 – à moins d’un miracle – qu’est-ce que Ruedi Rast regretta le plus?

«Il y en a deux, contradictoires. Le premier, c’est un rêve réalisé, incroyable, tout en rondeurs: le Nuage. L’autre, correspondant et opposé, c’est le Monolithe. Ce cube fermé, en métal, qui flotte quand même. Le pôle du rêve, et le pôle terrestre. Ces deux-là, pour moi, c’est l’association qui représente vraiment le grand arc-en-ciel, avec au milieu, l’exposition.».

swissinfo/Bernard Léchot

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