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Tout en haut du futur plus haut bâtiment de Suisse

Un ouvrier étudie les plans de construction de la Prime Tower de Zurich, futur plus haut bâtiment du pays. Keystone

A Zurich, les ouvriers de la Prime Tower, futur plus haut bâtiment de Suisse, ont posé 21 étages, sur les 36 que comptera le bâtiment, en moins de neuf mois. Même en Suisse, les bâtisseurs de tours ont le vent en poupe.

Un petit air de Potsdamer Platz, à Berlin, à la fin des années 90: à l’ouest de Zurich, près de la gare Hardbrücke, l’ancien quartier industriel est couvert de chantiers.

Là où Maag fabriquait ses roues dentées, le futur plus haut bâtiment de Suisse est en train de pousser ses murs en béton vers le ciel. On la reconnaît de loin, la Prime Tower, avec sa couronne jaune, en haut de la construction. Or la couronne monte très vite: un étage par semaine.

La tour, qui abritera entre 1600 et 2000 places de travail et un restaurant gastronomique à son sommet, doit être prête au printemps 2011. A ce moment-là, elle détrônera la Tour de la Foire de Bâle (des architectes Morger et Degelo), qui est, avec 105 mètres, le plus haut bâtiment du pays depuis 2003.

Mais Zurich risque de ne pas avoir la palme très longtemps. Le groupe pharmaceutique Roche a en effet demandé au bureau Herzog et de Meuron de redessiner – après un premier projet abandonné – un bâtiment pour 1900 personnes. Résultat (à venir): 41 étages, 175 mètres.

«Le tabou est tombé»

La folie des hauteurs guette-t-elle la Suisse? Les projets fleurissent en tout cas dans les métropoles du pays. Zurich, Olten, Bâle, Genève (mais une votation doit encore avoir lieu) – pour ne citer qu’elles: ce ne sont que quelques exemples de villes qui changent de profil…

«Le tabou de la construction verticale est tombé», écrivait en février 2008 l’Association alémanique des locataires dans son journal, en s’en réjouissant. «Les qualités urbaines des tours sont à juste titre repensées.»

Voix critique

Mais les tours n’ont pas que des amis, même si les voix critiques sont rares. Celle de Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris, Paris XII-Val-de-Marne, a eu un certain écho. Il a publié en 2008 «La Folie des hauteurs. Pourquoi s’obstiner à construire des tours?».

La tour correspond pour lui «à un prestige d’une autre époque. De plus, la vie dans les tours provoque des problèmes physiologiques, notamment dus à l’air conditionné mais aussi à la claustrophobie.» Thierry Paquot critique aussi «l’ordre géométrique et oppressant de la tour, qui ignore ce qui fait l’essence de la ville: les rues et les boutiques, les places, les jardins publics.»

L’argument de la place gagnée ne tient pas la route, selon lui. «La règle du «prospect» interdit de construire deux tours mitoyennes et il serait aberrant de condamner à l’ombre des immeubles moins hauts! La densité ne consiste pas à entasser les habitants mais à combiner subtilement bâti et non-bâti.»

Impact médiatique

Les investisseurs zurichois et bâlois sont évidemment d’un autre avis. «Nous sommes obligés de construire en hauteur, explique Martina Rupp, porte-parole de Roche. Au sol, il n’y a pas un millimètre de libre.»

«Il a été clair dès le début que nous exploiterions la hauteur maximale autorisée, même si le record n’était pas un but en soi», explique Peter Lehmann, responsable des investissements de Swiss Prime Site AG (SPS), première société de placement immobilier spécialisée de Suisse, commanditaire de la Prime Tower.

«Avoir le plus haut bâtiment a davantage d’impact médiatique, bien sûr, mais la spécificité de la Prime Tower n’est pas sa hauteur, c’est sa forme», précise le responsable. Dans une interview au Tages-Anzeiger, l’architecte Mike Guyer, «auteur de la Prime Tower avec Annette Gigon, précisait que «construire en hauteur n’est pas indiqué partout. Une tour doit enrichir la silhouette d’une ville et donner de nouvelles impulsions au quartier où elle se trouve.»

Mi-janvier, après neuf mois de travaux de gros œuvre, la Prime Tower atteint déjà 21 étages, sur les 36 qu’elle comptera lorsque les locataires prendront leurs quartiers. A 75 mètres au-dessus du sol, le visiteur est saisi par l’étendue de la vue, mais aussi par l’étonnante sensation de se retrouver presque nez à nez avec un grutier!

Actuellement, 220 personnes travaillent sur le chantier, sans compter 40 architectes, ingénieurs et planificateurs et 20 membres de la direction des travaux. En été, les effectifs monteront à 350 ouvriers. Encore 15 mois de travaux avant l’inauguration, selon l’agenda. «Sans incident majeur, nous y arriverons…», assure l’ingénieur Alain Capt, directeur de l’ensemble du projet, dont les enjambées et la vitesse de dévalement des étages sont aussi impressionnantes que la tour qu’il construit…

Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch

Le groupe pharmaceutique Roche a demandé au bureau Herzog et de Meuron, architectes de la maison, de redessiner un bâtiment pour 1900 personnes, après l’abandon, fin 2008, de son premier concept, de 150 mètres.

Pour leur nouveau projet, les architectes prévoient 41 étages sur 175 mètres. Formé d’étages en escaliers, le gratte-ciel devrait être terminé en 2015. Des terrasses permettront aux collaborateurs de sortir à l’air libre.

Le projet, qui passera cette année les phases d’autorisations administratives et d’assainissement du terrain, est devisé à «environ 550 millions de francs». Même en offrant la plus belle vue sur le Rhin, la tour ne sera pas publique.

La Prime Tower comptera 36 étages sur 126 mètres.

Les architectes Annette Gigon et Mike Guyer ont dessiné divers angles sur le plan horizontal, à huit côtés, et des décrochages de façade sur le plan vertical.

80’000 tonnes de béton reposent sur un radier de fondation en béton armé de 2 mètres 20 d’épaisseur, posé sur 79 pieux de 1 mètre de diamètre et mesurant entre 15 et 35 mètres de profondeur.

La façade entièrement vitrée est composée de 4400 éléments de teinte verte, dont un tiers peuvent s’ouvrir. Les vitres constituent l’enveloppe du bâtiment et répondent aux exigences thermiques actuelles.

Le projet compte encore trois autres bâtiments (dont l’un appartient à un autre investisseur), avec bureaux, ateliers d’artistes et de créateurs, galerie d’art et restaurants. L’ensemble est devisé à 355 millions de francs.

Environ 54% des surfaces sont louées. Le bureau d’avocats Homberger occupera huit étages et City Bank quatre. La Banque cantonale zurichoise y ouvrira une filiale. SPS ne fournit pas de chiffres sur les rendements prévus.

C’est un consortium formé de Losinger Construction SA, responsable, et de l’entreprise Karl Steiner AG, qui a obtenu l’adjudication.

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