Des perspectives suisses en 10 langues

“Cruauté la plus vile” dans les prisons du régime en Syrie

En moyenne par mois plus de 300 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en Syrie, d'après Amnesty qui s'appuie sur de nouvelles statistiques transmises par le Human Rights Data Analysis Group (HRDAG). Ici des détenus sortant du quartier général de la police à Damas en 2012. KEYSTONE/AP/BASSEM TELLAWI sda-ats

(Keystone-ATS) Electrocutions, brûlures à l’eau bouillante, viols: le régime syrien a eu recours à la torture dans ses prisons et ce à “grande échelle”. Plus de 17’700 détenus ont péri en cinq ans de guerre, dénonce jeudi Amnesty. L’ONG parle de “cruauté sous sa forme la plus vile”.

“Ils nous traitaient comme des animaux. J’ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve”, affirme Samer, un avocat en parlant de ses anciens gardiens durant sa détention.

Son témoignage figure parmi les 65 récits d’anciens détenus qui ont croupi dans les prisons des services de renseignement du régime et dans la prison militaire de Saydnaya près de Damas. Amnesty International a recueilli ces récits et a publié jeudi un rapport.

Les actes de torture y sont “généralisés et systématiques contre tous les civils soupçonnés d’être contre le régime”, détaille l’ONG basée à Londres. Elle dénonce des “crimes contre l’Humanité”.

Au moins 17’723 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en mars 2011, soit, en moyenne, plus de 300 décès par mois, d’après Amnesty qui s’appuie sur de nouvelles statistiques transmises par le Human Rights Data Analysis Group (HRDAG). Cette organisation applique des approches scientifiques à l’analyse des violations des droits humains.

Mais selon les deux ONG, les chiffres réels sont bien plus élevés. Et de citer les dizaines de milliers de disparitions forcées.

A titre de comparaison, avant la guerre entre 2001 et 2011 Amnesty International recensait en moyenne quelque 45 morts en détention en Syrie chaque année (entre trois et quatre personnes par mois).

Sinistres rituels

De nombreux prisonniers ont été libérés soit après des différentes amnisties décrétées par le régime ces dernières années, soit après des échanges de prisonniers ou après des procès. Ils se trouvent dans des lieux non précisés.

Les anciens détenus ont raconté de sinistres rituels à Amnesty, notamment “la fête de bienvenue”, durant laquelle les nouveaux détenus sont “roués de coups” au moyen de barres de fer, de plastique ou de câbles électriques. Autres sévices: décharges électriques, brûlures à l’eau bouillante et viols.

Omar S. a raconté qu’un gardien avait contraint deux hommes à se déshabiller et avait ordonné à l’un de violer l’autre, le menaçant de mort s’il n’obtempérait pas.

Saïd, un militant antirégime, a affirmé avoir été violé, devant son père, à l’aide “d’une matraque électrique”. Il était par ailleurs suspendu par un seul bras et avait les yeux bandés.

“Caractère systématique”

La plupart des victimes d’exactions “ont raconté avoir vu des personnes mourir en détention, et certaines ont affirmé s’être retrouvées avec des cadavres dans leur cellule”, selon l’ONG de défense des droits de l’Homme.

Un ex-détenu “raconte qu’un jour la ventilation avait cessé de fonctionner et que sept personnes étaient mortes étouffées” dans des centres de détention surpeuplés, selon Amnesty.

“Le caractère systématique et délibéré de la torture et des autres mauvais traitements à la prison de Saydnaya témoigne d’une cruauté sous sa forme la plus vile et d’un manque flagrant d’humanité”, dénonce Philip Luther, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty.

“Traitement inhumain”

A Saydnaya, où il fait très froid l’hiver, les détenus sont maintenus pendant des semaines dans des cellules souterraines sans couverture, selon le rapport. Des ex-prisonniers ont confié avoir mangé des noyaux d’olives et des écorces d’oranges pour ne pas mourir de faim.

Salam, un avocat d’Alep détenu deux ans à Saydnaya, a déclaré que “des gardiens avaient battu à mort un entraîneur de kungfu et cinq autres détenus. Puis ils ont passé à tabac 14 autres, tous morts en une semaine. On voyait le sang couler de leur cellule.”

L’ONG, qui dénonce des “procès iniques”, fait aussi état de “nourriture insuffisante, de soins médicaux limités et d’absence d’installations sanitaires adaptées” dans les prisons, “un traitement inhumain et cruel”.

La guerre en Syrie, déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, a fait plus de 290’000 morts.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision