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“Gilets jaunes”: après l’acte 9, place au grand débat

Une partie des "gilets jaunes" craint que le grand débat prévu mardi ne soit "de l'enfumage". KEYSTONE/AP/THIBAULT CAMUS sda-ats

(Keystone-ATS) Le neuvième samedi de manifestations des “gilets jaunes” a été marqué par un regain de mobilisation. Lundi, l’exécutif va avancer ses pions avec la publication d’une lettre d’Emmanuel Macron incitant les Français à participer au grand débat lancé mardi.

Des mots pour répondre aux actes: après deux mois de crise, la balle revient dans le camp du chef de l’Etat et du gouvernement, qui seront à la manoeuvre en début de semaine pour tenter d’apaiser les “gilets jaunes”.

Ceux-ci ont montré leur détermination samedi en défilant plus nombreux – 84’000 dans toute la France contre 50’000 la semaine précédente, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur.

Ce neuvième acte a été marqué par 155 gardes à vue rien qu’à Paris, mais au final moins de violences que redouté par les autorités. “La responsabilité l’a emporté sur la tentation de l’affrontement”, a salué le ministre Christophe Castaner.

La focale va se déplacer vers le grand débat national de deux mois promis par Emmanuel Macron en décembre, en complément de mesures sur le pouvoir d’achat (augmentation de 100 euros net pour les salariés autour du Smic, CSG des retraités…).

Le chef de l’Etat étalonnera ainsi sa capacité d’entraînement, en invitant dans une lettre les Français à saisir l’opportunité de dialoguer, avant d’inaugurer lui-même l’exercice mardi dans une petite commune de l’Eure, Grand Bourgtheroulde, aux côté de 600 maires et élus de Normandie.

Quatre thèmes

Quatre thèmes sont sur la table: pouvoir d’achat, fiscalité, démocratie et environnement. Est exclue toute remise en cause de l’IVG, la peine de mort et le mariage pour tous.

Mais le débat est déjà contesté. Samedi dans le cortège strasbourgeois des “gilets jaunes”, Jean-Jacques, 59 ans, jugeait ainsi que “le débat, c’est dans la rue, pas dans une salle ou sur internet”.

Tous les partis ne sont pas prêts à y contribuer non plus. “Il faut que #Macron remballe ses artifices, lettres et #GrandDébat. Il joue les prolongations”, estime ainsi sur Twitter Adrien Quatennens, député Insoumis. “C’est un enfumage pour un enterrement” de la contestation, abonde Danielle Simonnet, oratrice nationale LFI.

Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a rejeté, lors du Grand Rendez-vous Europe 1-Cnews-Les Echos, ce débat, “de la foutaise intégrale, pas un Français ne croit à cette comédie”.

Un “cadre”, sans “enfermer”

A l’inverse, Les Républicains vont “essayer d’apporter (leur) soutien à cette consultation”, car “nous voulons sortir du chaos”, a déclaré à BFMTV la porte-parole Laurence Saillet, tout en émettant “des doutes quant à la méthode”.

Un ministre se gratte la tête: comment faire participer, “c’est la vraie question”. “Pour que les gens viennent, il faut qu’il y ait de l’ordre. Et moins de haine”, prévient-il. La missive signée par le chef de l’Etat devra donner “un cadre sans donner l’impression d’enfermer”, plaide ce ministre.

“Il y a une vraie prise de conscience, rien ne sera pareil après ce grand débat, il doit nous obliger”, assure le secrétaire d’Etat Mounir Mahjoubi. “L’enjeu est que la lettre montre que le débat peut être utile, peut servir à quelque chose”, ajoute un proche du chef de l’Etat.

“Pour la société française”, le débat “peut être très important, et bénéfique, même si beaucoup vont essayer de l’entraver”, a considéré le patron du MoDem François Bayrou, samedi dans La République des Pyrénées.

Modalités à préciser

Les modalités de cette consultation inédite en France doivent être précisées lundi par le Premier ministre Édouard Philippe. Le pilotage reste encore à définir, après la défection cette semaine de la présidente de la Commission nationale du débat public Chantal Jouanno, à la suite d’une polémique sur sa rémunération.

Un “comité de garants” pourrait être installé, possiblement chapeauté par une personnalité comme le Défenseur des droits et ancien ministre Jacques Toubon, ou encore le Haut Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye.

“Pour l’instant, je n’ai aucune demande en ce sens”, a tempéré samedi auprès de l’AFP M. Delevoye, “pleinement mobilisé sur la concertation pour les retraites” dont la reprise est fixée au 21 janvier.

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