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Adoption d’une Constitution controversée en Thaïlande

"C'est la démocratie, venez voter", avait déclaré le chef de la junte militaire en déposant son bulletin de vote. KEYSTONE/EPA/NARONG SANGNAK sda-ats

(Keystone-ATS) Les Thaïlandais ont adopté dimanche une nouvelle Constitution très controversée. Le texte permettra à la junte au pouvoir de contrôler la scène politique, même après le retour à des élections.

Selon des résultats préliminaires portant sur plus de 90% des bulletins, plus de 60% des votants se sont exprimés pour la nouvelle Constitution. Une avance irréversible, même si les résultats définitifs ne seront annoncés que mercredi.

Le référendum “a été conduit avec une grande transparence”, s’est félicité le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, auteur du coup d’Etat de 2014. Il a aussi affirmé “mépriser” les critiques de la communauté internationale.

L’opposition a quant à elle rappelé les “pressions” exercées sur elle, “comme dans toute dictature”, a souligné Nattawut Saikua, un des meneurs des Chemises rouges, puissant mouvement d’opposition. “Prayut, il n’y a pas de quoi être fier de ta victoire, avec des opposants qui n’ont pas pu se battre”, a lancé de son côté Jatuporn Prompan, chef des Chemises rouges.

Pas de débat de fond

“C’est l’avenir de la Thaïlande… C’est la démocratie, venez voter”, avait lancé aux 50 millions d’électeurs le chef de la junte, en déposant son bulletin dans l’urne dimanche.

Les militaires ont cependant pipé les dés en empêchant tout débat sous peine de prison. Ils ont également arrêté ou rappelé à l’ordre les militants du non. Dimanche encore, un étudiant ayant déchiré son bulletin de vote en signe de protestation a été interpellé.

En l’absence de débat de fond, les tracts distribués en amont du vote par la Commission électorale insistaient sur “le bonheur” à venir, avec des photos d’enfants souriants. Leur impartialité est sujette à caution.

“Constitution de voleurs”

Les partisans du oui rencontrés dans les bureaux de vote dimanche mettaient en avant le fait que cette Constitution permettra, selon eux, de débloquer la scène politique et d’organiser des élections législatives en 2017. Un argument que la junte ne cesse de marteler. “Je veux que la situation revienne à la normale et je veux des élections”, a expliqué Potchana Surapitic.

Les partisans du non dénoncent quant à eux une “Constitution de voleurs”, qui fait l’unanimité de la classe politique civile contre elle. “Les auteurs du coup d’Etat ont déchiré l’ancienne Constitution et nous ont volé nos droits, en se mettant en position de contrôler le gouvernement”, ne décolère pas Ohm Kontaogan.

Empêcher le retour de l’opposition

Avec des élections législatives désormais plus que certaines en 2017, la junte au pouvoir n’est cependant pas prête à lâcher le pouvoir. Pas avant d’avoir modifié en profondeur le système politique. Et cette nouvelle Constitution en est un outil clef.

Leur but est d’empêcher durablement le retour aux manettes de l’opposition. Celle-ci est incarnée par l’ex-premier ministre Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck, dont le gouvernement a été balayé par le coup d’Etat de 2014.

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