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Appel à réguler l’uberisation du travail pour les 100 ans de l’OIT

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le directeur général de l'OIT Guy Ryder ont lancé le centenaire de l'organisation sur un appel à maintenir à l'avenir l'être humain au centre du monde du travail. KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) Un système de gouvernance internationale doit réguler les plateformes de travail numérique comme Uber. Mardi à Genève, l’OIT a lancé son centenaire en dévoilant dix recommandations d’une Commission de haut niveau sur l’avenir du travail à maintenir l’humain au centre.

Coprésidée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le premier ministre suédois Stefan Löfven, celle-ci avait été établie en août 2017. Ce rapport doit aboutir “au meilleur avenir du travail pour le plus grand nombre de personnes”, a dit le premier devant la presse en l’absence du second retenu à des affaires gouvernementales après sa reconduction ces derniers jours au terme de quatre mois de crise politique.

“Sans une action décisive, nous nous dirigerons vers un monde où les inégalités et les incertitudes” augmenteront, affirme la Commission mandatée par l’Organisation internationale du travail (OIT) dans ce document. Celles-ci s’étendent déjà dans plusieurs pays étant donné les protestations actuelles des citoyens, relève de son côté, le directeur général de l’institution Guy Ryder. Il a salué des recommandations “très concrètes” et “importantes pour tout le monde”.

De l’intelligence artificielle à la robotisation, les avancées technologiques vont aboutir à de nouveaux emplois mais en élimineront d’autres également. La Commission met en garde contre une situation qui pourrait provoquer des troubles politiques et de la violence si une protection n’est pas prévue.

Discussion en Suisse

Pour s’adapter aux nouvelles technologies, les membres de la Commission appellent à un système de gouvernance internationale pour les plateformes de travail numérique. M. Ramaphosa a mentionné comme exemple la Convention de l’OIT sur le travail maritime de 2006 mais les Etats et les partenaires sociaux devront décider quel cadre ce dispositif doit prendre. “Nous devons garantir que le travail n’est pas un robot”, insiste le président sud-africain.

Les plateformes et leurs clients doivent s’engager à honorer des droits minimaux et une certaine protection, selon la Commission qui souhaite aussi une régulation de l’utilisation des données. En Suisse, cette question est déjà abordée par les politiques. Le Conseil fédéral a mandaté l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) pour réfléchir à des aménagements du droit suisse.

Ce débat “ne se limite pas à Uber”, a dit à Keystone-ATS le directeur général de cette société pour la Suisse romande, Alexandre Molla. “Nous sommes ouverts à y contribuer afin que le système actuel puisse s’adapter aux nouvelles formes de travail, avec une approche responsable qui n’entrave pas le développement économique”.

Conférence pilotée par la Suisse

Parmi ses autres recommandations, la Commission demande aux Etats davantage d’investissements dans l’économie du soin, l’économie verte – qui devrait alimenter des millions de nouveaux emplois – et l’économie rurale. Elle souhaite aussi une “garantie universelle” pour les travailleurs.

Selon cette recommandation, les droits doivent être honorés, les salaires doivent être convenables, la durée de travail limitée et les sites d’activité doivent être sûrs. Pour autant, le scénario d’un revenu minimal inconditionnel pour tous, refusé en Suisse en votation populaire, n’est pas mentionné dans le rapport. Il a fait l’objet “de discussions vigoureuses” mais aucune décision n’a pu être prise, a admis M. Ryder.

La Commission demande aussi une formation tout au long de la carrière, une protection sociale jusqu’à la vieillesse et une politique égalitaire entre hommes et femmes constituée d’objectifs mesurables.

Des mesures d’incitation à l’investissement des entreprises doivent également être défendues. “Les gouvernements, les syndicats et les employeurs doivent travailler ensemble pour rendre les économies et les marchés du travail plus inclusifs”, affirme M. Löfven cité dans un communiqué. Côté financement, M. Ryder appelle à une taxation “suffisante” et “juste” et à d’autres interventions,

Outre les deux dirigeants, la Commission rassemblait des représentants des entreprises et du monde du travail, des universitaires ou encore des membres d’ONG. Son rapport sera présenté en juin prochain aux 187 Etats membres et aux partenaires sociaux lors de la conférence internationale du travail présidée par la Suisse. Une Déclaration du centenaire devrait alors être adoptée.

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