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Bahreïn: manifestation pour le 4e anniversaire du soulèvement

(Keystone-ATS) Des centaines d’opposants chiites ont manifesté samedi à Bahreïn pour marquer le 4e anniversaire du soulèvement contre la monarchie sunnite. Ils ont été accueillis dans la capitale Manama par les gaz lacrymogènes et les grenades assourdissantes de la police, déployée en masse.

“Avec nos âmes, avec notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Bahreïn”, “A bas Hamad”, le roi, ont scandé les manifestants brandissant le drapeau rouge et blanc du royaume et des portraits de militants emprisonnés, ont indiqué des témoins.

La police a dispersé la foule, rassemblée à l’appel de la Coalition du 14 février, un mouvement de jeunesse très actif sur Internet. L’opposition a affirmé sur Twitter que les forces de police avaient tiré à la chevrotine et publié des photos présentées comme étant celles de manifestants blessés, faisant état aussi d’arrestations.

Dans les villages chiites, pierres, poubelles, branches d’arbres et pneus enflammés s’amassaient dans les rues en barrages de fortune, tandis que la police était postée à l’entrée et sur les routes principales du pays pour empêcher les manifestants d’atteindre Manama, selon des témoins.

Le chef de la sécurité publique, le général Tariq al-Hassan, avait invité la population à “se tenir éloignée de toute activité susceptible de causer des troubles et de menacer la sécurité ou l’ordre public”.

L’Arabie saoudite en soutien

Dans le sillage du Printemps arabe, le plus petit pays du Golfe mais grand allié des Etats-Unis est le théâtre depuis le 14 février 2011 de manifestations régulières de la majorité chiite. Peu après le début du soulèvement, la dynastie sunnite avait écrasé les protestations, avec le soutien militaire de l’Arabie saoudite.

Bahreïn, située sur le Golfe en face de l’Iran chiite, accueille sur son territoire la 5e flotte américaine. Il est aussi l’un des pays arabes à soutenir la campagne aérienne menée par Washington contre le groupe Etat islamique.

Les tensions y sont vives et les divisions confessionnelles s’exacerbent à mesure que se creuse le fossé entre le gouvernement dominé par la minorité sunnite et l’opposition chiite qui réclame une monarchie constitutionnelle, avec un Premier ministre élu, indépendant de la famille royale. Mais la dynastie des Al-Khalifa a jusqu’ici refusé de céder.

Le chef de l’opposition, cheikh Ali Salman, accusé d’avoir tenté de renverser le régime, et a été emprisonné. Son arrestation le 28 décembre, peu après sa reconduction à la tête du principal parti d’opposition, Al-Wefaq, a déclenché des manifestations quasi quotidiennes dans des villages chiites. Les attaques visant les forces de sécurité ont augmenté.

Le dialogue national capote

“Le mouvement a atteint sa quatrième année avec une situation qui ne fait qu’empirer, et des citoyens menacés de perdre leur nationalité d’un jour à l’autre”, a twitté le Wefaq, parti interdit pour trois mois fin 2014 pour des manquements à la loi sur les associations.

Les autorités ont retiré la nationalité à des dizaines d’opposants ces dernières années, déclenchant des condamnations de défenseurs des droits de l’Homme. “Il semble y avoir peu d’espoir de progrès à Bahreïn. L’opposition est tout juste légale”, analyse Neil Partrick, expert du Golfe pour un centre de réflexion britannique, l’Institut royal pour les études de défense et de sécurité.

Les parties ont échoué à dépasser leurs divergences dans le cadre d’un dialogue national qui a capoté en dépit de plusieurs rounds de négociations. Al-Wefaq a refusé de reprendre les discussions en septembre dernier, malgré une nouvelle proposition mise sur la table par le prince héritier Salman ben Hamad Al-Khalifa.

En novembre, l’opposition a boycotté les élections législatives qui ont été remportées par des sunnites. Pour Al-Wefaq, le 14 février 2011 a marqué “le début d’un mouvement pacifique (…) réclamant une démocratie”, et les protestations “pacifiques” doivent continuer “jusqu’à ce qu’une solution politique soit trouvée”. Mais une telle solution semble lointaine dans le plus petit pays du Golfe, voisin des Saoudiens, pôle d’influence majeur dans la région.

Signe de la tension qui règne actuellement à Bahreïn, Manama a ordonné lundi la fermeture permanente de la chaîne de TV Alarab du milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, qui avait donné la parole à un opposant chiite bahreïni dès son premier journal d’informations.

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