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Berlin réexamine ses livraisons d’armement à la Turquie

L'épreuve de force se poursuit entre Berlin et Ankara selon les dernières révélations du Bild (photo symbolique) KEYSTONE/AP dapd/DAVID HECKER sda-ats

(Keystone-ATS) Le gouvernement allemand a annoncé vendredi un réexamen de ses livraisons d’armement prévues à la Turquie. Les deux pays vivent un conflit ouvert au sujet du respect des droits humains.

La “réorientation” des relations avec la Turquie voulue par Berlin “inclut tous les domaines, y compris la politique en matière d’exportations d’armes. C’est pourquoi les demandes d’exportations d’armements font actuellement l’objet d’un réexamen”, a indiqué un porte-parole du ministère de l’Economie, compétent sur ce dossier, Philipp Jornitz.

Il confirmait ainsi partiellement des informations du quotidien Bild. Celui-ci affirme lui que le gouvernement a en réalité déjà “gelé toutes les livraisons en cours ou prévues à la Turquie” dans ce secteur. “Le critère du respect des droits humains joue un rôle particulièrement important en matière de décisions sur les exportations d’armes”, a souligné le porte-parole du ministère de l’Economie.

“Sinistre propagande”

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que son pays ne serait pas effrayé par ses “menaces”. Il a défendu l’indépendance de la justice turque face aux critiques de Berlin. Lors d’un discours à Istanbul, il a ajouté que la “justice turque est plus indépendante” que celle de l’Allemagne.

Commentant la mise en garde allemande pour les voyages en Turquie, M. Erdogan l’a qualifiée de ” malicieuse et sans fondement”. Il a aussi rejeté des informations de la presse allemande, confirmées par M. Gabriel, selon lesquelles Ankara avait remis à Berlin une liste de 68 groupes allemands ou cadres dirigeants d’entreprises qu’elle accuse de soutien au “terrorisme”.

“Vous ne pourrez pas ternir l’image de la Turquie”, a-t-il dit, en dénonçant ces informations comme “une sinistre propagande”.

Nouvelles mesures?

Le bras droit d’Angela Merkel à la chancellerie allemande, Peter Altmaier, n’a pas exclu vendredi de nouvelles mesures de rétorsion contre la Turquie après les sanctions économiques mentionnées la veille.

Il a souligné que la “réorientation” de la politique allemande à l’égard d’Ankara était un “processus” sur la durée. M. Altmaier a confirmé que son gouvernement voulait obtenir à Bruxelles le gel de fonds européens destinés à la Turquie dans le cadre de son rapprochement avec l’Union européenne.

Comparée à la RDA

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, poids lourd du gouvernement d’Angela Merkel, est lui allé jusqu’à comparer la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan à la dictature communiste en RDA jusqu’en 1989.

“La Turquie procède désormais à des arrestations arbitraires et ne respecte pas les règles consulaires minimales, cela me rappelle la situation qui existait autrefois en RDA”, a dit M. Schäuble au journal Bild. “Quand tu te déplaçais là-bas, les choses étaient claires: s’il t’arrivait quelque chose, personne ne pourrait rien pour toi”.

Mises en garde

Suite aux purges massives engagées en Turquie après la tentative de putsch de juillet 2016, l’Allemagne a, selon plusieurs médias, déjà bloqué onze exportations “d’armes de poing, de munitions ou de composants d’armement” à destination de ce pays, en raison de craintes qu’elles soient utilisées dans le cadre de la répression contre des opposants au régime.

Berlin a frappé jeudi son partenaire historique au portefeuille en renforçant ses mises en garde concernant les déplacements en Turquie, en pleine saison touristique, et en menaçant de bloquer ses aides aux investissements ou exportations en Turquie. Une mesure après la mise en détention de plusieurs militants des droits humains en Turquie, accusés de soutien au “terrorisme”, dont un Allemand.

Plus de pub promotionnelle

Conséquence directe: les deux chaînes de télévision allemandes d’information en continu, n-tv et N24, ont annoncé vendredi l’arrêt de la diffusion de publicités de promotion de la Turquie sur leur antenne. “Nous avons décidé de ne plus diffuser ces publicités compte tenu de la situation politique actuelle”, a indiqué N24 dans un communiqué.

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