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Dans un bidonville de Bogota, une fresque géante pour la paix

Des manifestations pour la paix ont réuni les habitants de sept villes en Colombie, dont Bogota (symbolique) Keystone/EPA EFE/LEONARDO MUNOZ sda-ats

(Keystone-ATS) Des habitants d’un quartier pauvre de Bogota et deux artistes français ont peint une gigantesque fresque pour la “Paix”. Cette oeuvre de streetart domine symboliquement la capitale de la Colombie, en passe de mettre fin à plus d’un demi-siècle de guerre.

Surplombant la Circunvalar, avenue qui sinue dans la montagne pour relier le coeur de Bogota aux quartiers aisés du nord, les immenses lettres blanches du mot “Paz” (paix) claquent sur le fond vert, violet, rose et bleu, dont ont été préalablement peintes les masures du quartier Mariscal Sucre.

“Nous avons terminé juste quelques jours avant que la paix soit conclue !” se réjouit Spag, un Français membre du collectif de streetart Outsiders Krew à l’origine de la fresque. Elle a été achevée alors que le gouvernement colombien et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) terminaient près de quatre ans de négociations.

Le projet a démarré en février et a été réalisé sur 40 jours, entre juillet et août. “Le mot ‘paix’ en ce moment, dans ce pays, c’est génial ! Quand nous avons commencé à parler de tout ça, nous ne pensions pas que cela allait arriver !”, s’enthousiasme ce jeune Normand à barbe rousse, en montrant la fresque depuis une passerelle proche, point de vue idéal pour capter l’amplitude de l’oeuvre qui s’étale sur 16 maisons.

Consensus

Dans le cadre de leur projet “Share The Word” (Partager le mot), Spag et Seb Toussaint, son compagnon d’aventures né aussi à Caen, dans le nord-ouest de la France, sillonnent le monde depuis trois ans pour colorer les quartiers pauvres de mots choisis par ceux qui y vivent.

“Il y a eu un consensus entre les habitants”, confirme Pablo Parra, président du conseil d’action communale de Mariscal Sucre, jugeant “formidable que la fresque contienne le mot ‘paix’ alors que nous sommes dans ce processus” d’achèvement d’un conflit armé de plus d’un demi-siècle.

De Manille au Caire, de Katmandou à Nairobi et de la “jungle” des migrants de Calais à Jakarta “nous avons peint 114 fresques contenant chacune un mot: famille, rêve, foi…”, a précisé Seb rentré en France, où Spag l’a rejoint la semaine dernière.

Un vieux rêve

A ces oeuvres postées sur leur blog outsiderskrew.com s’ajoute désormais la fresque de Mariscal Sucre. Le quartier toutefois y figurait déjà: en 2014, les deux artistes de 28 ans y avaient dessiné “bonheur”, “humilité”, “amour”, etc. Mais chacun des 16 mots d’alors s’affichent sur un mur distinct, dont “honnêteté” chez don Pablo, qui n’en est pas peu fier.

“Spag et moi avions un vieux rêve : peindre une fresque sur plusieurs maisons, qui se voit de loin”, ajoute Seb. L’idée de le faire à Bogota a pris forme grâce aux contacts sur place, dont Juanita del Portillo, de l’université Javeriana située en contrebas du bidonville et qui a en partie subventionné le projet.

Quelque 800 litres de peinture ont été nécessaires et une vingtaine de personnes ont tour à tour contribué. Mais les maisons s’étageant les unes sur les autres à flanc de montagne, “cela a été plus compliqué que d’habitude”, se souvient Seb.

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