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Des champignons hallucinogènes pour combattre la dépression

Les patients ont reçu de la psilocybine, principe actif extrait de champignons hallucinogènes psilocybes, ici lors d'une précédente étude à New York (archives). KEYSTONE/AP/Seth Wenig sda-ats

(Keystone-ATS) La psilocybine, une substance contenue dans certains champignons hallucinogènes, a donné de premiers résultats prometteurs sur une demi-douzaine de malades atteints de dépression résistante aux traitements, selon une étude publiée mardi.

“C’est la première fois que la psilocybine a été testée dans le traitement potentiel des dépressions majeures”, souligne le Dr Robin Carhart-Harris, de l’Imperial College de Londres, qui a dirigé cette étude publiée dans la revue britannique The Lancet Psychiatry.

La dépression est un problème majeur de santé publique qui touche des millions de personnes à travers le monde et qui parfois résiste aux traitements existants (médicaments antidépresseurs et psychothérapie).

Selon l’étude, un patient sur cinq ne répond pas aux traitements actuels, tandis que beaucoup de ceux qui voient leur état s’améliorer dans un premier temps font des rechutes par la suite.

Les chercheurs ont commencé à étudier la psilocybine, la substance active de certains champignons hallucinogènes, dès les années 1950.

En 2008, des chercheurs américains ont montré qu’elle entraînait des effets durables de bien-être psychique et de plénitude. Ce qui les a conduit à penser que l’hallucinogène pourrait aider certains malades souffrant d’anxiété face à un cancer ou à une dépression.

Recherches à poursuivre

Les chercheurs britanniques ont pour leur part testé la psilocybine sur 12 patients atteints de dépression modérée à sévère depuis plus de 15 ans en moyenne. Après un traitement de deux jours, les patients ont été suivis pendant 3 mois.

Selon les chercheurs, les effets psychédéliques ont été observés entre 30 et 60 minutes après la prise des gélules, avec un effet culminant 2 à 3 heures après. Une semaine plus tard, les 12 patients présentaient tous une amélioration et huit étaient en rémission. Au bout de trois mois, cinq étaient encore en rémission.

Compte tenu du petit nombre de patients testés, les chercheurs avertissent qu’il ne faut pas tirer de conclusions “probantes” sur les effets thérapeutiques de la psilocybine, mais que les recherches doivent se poursuivre.

Spécialistes partagés

Le Pr David Nutt, qui a participé à l’étude, souligne que l’hallucinogène “cible les récepteurs de la sérotonine, comme la plupart des antidépresseurs actuellement disponibles, mais qu’il possède une structure chimique très différente et qu’il agit plus rapidement que ceux-ci”.

Dans un commentaire joint à l’étude, le Pr Philip Cowen de l’Université d’Oxford reconnait que les résultats obtenus sur trois mois sont “prometteurs mais pas complètement convaincants”.

Un autre spécialiste, Jonathan Flint, professeur de neurobiologie à l’université d’Oxford, estime de son côté qu’il est “impossible” d’affirmer à ce stade que la molécule est efficace sur la dépression.

Etude zurichoise

En 2014, des scientifiques de la Clinique universitaire psychiatrique de Zurich avaient montré par imagerie cérébrale qu’une faible quantité de psilocybine peut inhiber l’impact des émotions négatives dans l’amygdale, une zone faisant partie du système limbique.

Une dose modérée de psilocybine est déjà à même de modifier l’activité du système limbique et de régions cérébrales associées, améliorant l’humeur du patient. L’étude montrait clairement que les deux choses sont liées.

Les psilocybes sont un genre de champignons connus pour leurs propriétés psychotropes. On en trouve de nombreuses espèces dans le monde entier, y compris en Suisse, où ils figurent sur la liste des stupéfiants depuis 2002.

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