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Des grenades à main de RUAG seraient réapparues en Syrie

Des grenades à main de type HG85 se sont probablement retrouvées dans les mains de terroristes de l'Etat islamique (archives). Keystone/MARTIN RUETSCHI sda-ats

(Keystone-ATS) Des grenades à main qui pourraient avoir été produites par RUAG ont été retrouvées en Syrie. Le groupe d’armement avait déjà été concerné par des cas similaires en 2012 et en 2016.

Il pourrait s’agir de grenades à main provenant d’une livraison faite aux Emirats arabes unis en 2003-2004, explique dimanche RUAG dans une prise de position qui fait suite à un article du SonntagsBlick. Elles auraient ensuite été acheminées illégalement en Syrie. RUAG condamne cet acte qui viole la loi et les accords conclus.

L’hebdomadaire alémanique a publié des clichés des armes. Elles ont été prises au début du mois d’août par les combattants de l’alliance djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS, formé de membres de l’ex-branche d’Al-Qaïda) près de la ville syrienne contestée d’Idleb.

Pas de certitudes

Les photos montrent un arsenal d’armes que le HTS aurait volé lors d’une attaque contre une cellule de l’EI ennemie, indique le SonntagsBlick. On y trouve des bombes artisanales, des fusils, des ceintures explosives et des grenades suisses des types OHG92 et HG85.

Mais pour RUAG, “il est impossible de procéder à une identification sur la seule base d’une photographie”. Il faudrait pouvoir examiner le matériel en question physiquement. Une évaluation définitive ne sera possible lorsque le numéro de série ou d’autres caractéristiques identifiables seront connus.

Cas similaires

Quand un pays achète des armes de production suisse, il doit s’engager à ne pas les sortir du pays, à ne pas les vendre, les prêter ou les offrir. C’est ce que prévoit l’ordonnance sur le matériel de guerre. S’il existe dans le pays en question un risque élevé que cela se produise, la Suisse peut vérifier sur place que les règles sont bien respectées.

Ces mesures ont été prises suite à une affaire révélée à l’été 2012. Des grenades fabriquées par RUAG avaient été découvertes en Syrie. Elles auraient été utilisées par l’Armée de libération syrienne (ALS) dans sa lutte contre le régime de Bachar al-Assad. La Suisse avait vendu ce matériel aux Emirats arabes unis, ce dernier l’avait offert à la Jordanie, puis les armes s’étaient retrouvées aux mains des rebelles syriens.

Monde arabe écarté

Le groupe d’armement et d’aéronautique souligne dimanche qu’il “respecte scrupuleusement la réglementation suisse en matière d’exportations”. Il ne fournit du matériel de guerre qu’aux armées et aux forces de sécurité d’Etats pour lesquels la législation suisse autorise l’exportation.

Chaque cas nécessite l’approbation du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Par ailleurs, l’entreprise ne fournit plus de grenades à main à destination du monde arabe depuis 2003-2004.

Critiques du CICR

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est montré critique envers le projet d’autoriser des exportations d’armes vers des pays en conflit. L’assouplissement de l’ordonnance sur le matériel de guerre, décidé en juin par le Conseil fédéral et soutenu en commission parlementaire, permettrait d’exporter des armes vers les pays en conflit interne, s’il n’y a aucune raison de penser que les armes seront utilisées dans ce conflit.

Pour le CICR, le matériel de guerre tombe tôt ou tard dans des zones de conflit, a rappelé son président Peter Maurer, samedi sur la radio SRF. L’organisation humanitaire constate sur le terrain la présence d’armes exportées depuis bien longtemps par des pays développés. Les pays en guerre débordent d’armes et cela ne fait qu’empirer la situation.

SECO restrictif

Le SECO rappelle pour sa part que des pays en guerre comme la Syrie ne pourront “ni aujourd’hui, ni à l’avenir se procurer des armes en Suisse”. Il n’y a pas de lien à tirer entre la découverte de grenades dans ce pays et la révision en cours de l’ordonnance sur les armes.

Les pays comme l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont certes intervenus au Yémen, mais ne sont pas impliqués dans un conflit armé interne sur leur propre territoire. Ils ne sont donc pas concernés par l’exclusion appliquée aux pays rongés par un conflit interne.

La nouvelle ordonnance ne changera rien à cette pratique, selon le SECO. Une demande d’exportation de grenades à main dans ces pays sera à l’avenir comme aujourd’hui refusée, surtout au vu de la guerre qui sévit au Yémen. Ces pays ne peuvent importer que certains types d’armes défensives de la Suisse.

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