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Droite et gauche au coude-à-coude en Suède, poussée de l’extrême droite

Le chef de l'extrême-droite suédoise, Jimmie Åkesson (au centre), a fait de ces élections un référendum sur la politique migratoire du gouvernement sortant. KEYSTONE/EPA TT NEWS AGENCY/STINA STJERNKVIST sda-ats

(Keystone-ATS) La Suède semblait résister dimanche soir à la poussée de fièvre nationaliste suscitée par la crise migratoire en Europe: l’extrême droite progresse sans cependant se hisser au niveau espéré, tandis que droite et gauche se tiennent dans un mouchoir de poche.

Selon des résultats préliminaires portant sur plus de la moitié des circonscriptions, les Démocrates de Suède (SD), formation anti-immigration, nationaliste et europhobe, obtiennent 17,9% des voix, contre 12,9% en 2014. Ils échouent à devenir le deuxième parti du pays et restent devancés par les sociaux-démocrates du premier ministre Stefan Löfven et les Modérés (conservateurs).

Certains sondages effectués par internet créditaient pourtant le parti d’extrême droite de 25% des suffrages et son chef, Jimmie Åkesson, disait encore dimanche miser sur entre “20 et 30%” des voix.

“Il est temps (que les autres partis) prennent leurs responsabilités et se mettent à discuter avec SD”, a toutefois lancé dimanche soir Mattias Karlsson, président du groupe des SD au parlement.

Recul des grands partis

Les résultats partiels donnent les deux camps dans un mouchoir de poche. La coalition rouge-verte arrive en tête avec 40,6% des voix, contre 40,1% au centre-droit. Selon une projection de la télévision publique SVT, le centre-gauche obtiendrait 145 sièges sur 349 au Riksdag, contre 141 au camp bourgeois.

Mais ce dernier pourrait prendre la main si les Verts passaient sous le seuil des 4% requis pour envoyer des députés sur les bancs du le parlement.

Concernant les partis, le Parti social-démocrate perd trois points par rapport aux législatives de 2014, tombant à 28,1% des suffrages, selon ces résultats préliminaires. C’est son plus mauvais score depuis l’introduction de la proportionnelle en 1911.

Il a été sanctionné pour sa politique migratoire qui a vu l’arrivée en 2015 de 160’000 demandeurs d’asile, un record en Europe rapporté au nombre d’habitants. Scrutin également décevant pour les conservateurs. Le parti modéré perdrait quatre points en quatre ans, se hissant péniblement à 19,4% des voix.

Plébiscite contre la politique migratoire

Alors que M. Löfven présentait ces législatives comme un “référendum pour l’Etat-providence”, l’extrême droite en a fait un plébiscite contre sa politique migratoire. La Suède a enregistré 400’000 demandes d’asile depuis 2012. Cet afflux a fortement contraint les capacités d’accueil du pays, saturé ses centres pour réfugiés, ses services sociaux et l’offre de logement.

En septembre 2015, Stefan Löfven justifiait l’ouverture au nom d'”une Europe qui n’édifie pas de murs”. Deux mois plus tard, il annonçait un tour de vis migratoire et le rétablissement des contrôles aux frontières.

Une volte-face insuffisante pour l’extrême droite. A l’image de l’AfD en Allemagne, les Démocrates de Suède dénoncent l’immigration comme une menace “culturelle” et réclament le renvoi de centaines de milliers de personnes.

M. Löfven, un ancien métallo de 61 ans, a perdu des électeurs sur sa gauche et sur sa droite. Les uns lui ont reproché d’avoir laissé grand ouvertes les portes du pays aux demandeurs d’asile, les autres de les avoir aussitôt refermées.

Longues tractations

Peu après la publication des sondages de sortie des urnes, le secrétaire général du parti conservateur a appelé le premier ministre à tirer les leçons du scrutin. “Au vu des résultats, Stefan Löfven doit démissionner”, a déclaré Gunnar Strömer.

Le chef du gouvernement est traditionnellement le dirigeant du parti ayant obtenu le plus grand nombre de voix, mais le nouveau paysage politique fragmenté rend toute conjecture particulièrement hasardeuse. De laborieuses tractations seront nécessaires pour trouver une majorité, ou la moins faible des alliances.

Un pacte avec le diable ?

L’opposition est déterminée à déloger les sociaux-démocrates, quitte, souhaiteraient certains, à dynamiter le cordon sanitaire qui, jusqu’ici, tient les SD à distance d’une influence politique directe.

Une stratégie qui pourrait s’avérer risquée, tant centristes et libéraux ont dit et redit leur refus d’un “pacte avec le diable”. Et sept sympathisants conservateurs sur dix ne veulent pas entendre parler d’une main tendue à l’extrême droite. Mais avec l’actuelle impasse politique, les analystes estiment que le SD pourrait gagner en influence.

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