Des perspectives suisses en 10 langues

Election présidentielle en Colombie sur fond de crise économique

Gustavo Petro plaide pour un changement de modèle économique en taxant davantage les riches, en abandonnant les énergies fossiles, en augmentant les dépenses sociales et en rendant l'enseignement gratuit. KEYSTONE/EPA EFE/LEONARDO MUNOZ sda-ats

(Keystone-ATS) Les Colombiens élisent dimanche le successeur du président Juan Manuel Santos. Ils doivent décider s’ils continuent de faire confiance à la droite pour sortir d’une grave crise économique ou s’ils confient le pays à la gauche pour la première fois depuis 2 décennies.

Les derniers sondages donnent Ivan Duque, le candidat du Centre démocratique (CD, droite) fondé par l’ancien président Alvaro Uribe, en tête du premier tour, avec 42% des intentions de vote. Gustavo Petro, un ancien guérillero marxiste, arrive en deuxième position avec 30% d’opinions favorables. Il a fait campagne sur un programme de redistribution des richesses.

Arrivent ensuite dans les sondages souvent peu fiables, le mathématicien centriste Sergio Fajardo et l’ancien vice-président German Vargas, soutenu par le président Santos. Un second tour est prévu le 17 juin.

Juan Manuel Santos ne peut pas se représenter après deux mandats de quatre ans. Le chef de l’Etat sortant restera dans l’histoire comme celui qui a signé en 2016 la paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) après 50 ans d’une guerre meurtrière et a remporté pour cela le prix Nobel de la paix.

Uribe bis?

La proximité d’Ivan Duque avec Alvaro Uribe est son principal atout. Cet avocat de 41 ans n’a pas d’autre expérience à faire valoir qu’un poste à la Banque interaméricaine de développement (BID) à Washington jusqu’en 2014, puis de sénateur. Beaucoup estiment que son élection permettrait en réalité à Uribe de diriger à nouveau le pays en sous-main.

Ivan Duque entend durcir les conditions de l’accord de paix avec les Farc, qu’il a vivement combattues au Sénat en réclamant que les anciens dirigeants de la guérilla aillent en prison, bien qu’il n’ait pas détaillé ses intentions en la matière.

Taxer plus les riches

L’hypothèse de l’élection d’un candidat de gauche, qui serait une première depuis celle d’Ernesto Samper en 1994, a galvanisé la droite dans un pays où les groupes paramilitaires restent influents et où l’amnistie dont ont bénéficié les Farc ne fait pas l’unanimité.

Gustavo Petro, qui a milité dans sa jeunesse au sein du groupe Movimiento 19 de Abril (M-19), d’inspiration marxiste, ce qui lui a valu d’être arrêté et – selon ses dires – torturé par l’armée dans les années 1980, est présenté par les journaux conservateurs comme un “populiste” voulant faire de la Colombie un “nouveau Venezuela”.

L’économiste de 58 ans, maire de la capitale Bogota de 2012 à 2015, plaide pour un changement de modèle économique en taxant davantage les riches, en particulier les grands propriétaires terriens, en abandonnant les énergies fossiles, en augmentant les dépenses sociales et en rendant l’enseignement gratuit.

Son véhicule a été la cible de tirs début mars. Cinq candidats à la présidence ont été assassinés depuis un siècle. S’il parvient à déjouer les pronostics, Gustavo Petro verra néanmoins sa marge de manoeuvre limitée par un Congrès (Parlement) où la droite a confirmé sa majorité lors des législatives du mois de mars.

Economie prioritaire

Fragilisée par une dette de plus de 100 milliards de dollars, un déficit budgétaire qui devrait atteindre 3,1% du PIB cette année et une croissance atone, la Colombie a vu sa note souveraine abaissée par Standard & Poor’s à BBB- en décembre, soit un cran au-dessus de la catégorie spéculative.

Quel que soit le vainqueur de la présidentielle, le redressement économique sera la priorité du chef de l’Etat. Rien n’indique qu’Ivan Duque pourra faire aussi bien que son mentor Alvaro Uribe, dont les deux mandats, entre 2002 et 2010, avaient été marqués par des investissements étrangers records, une forte croissance et une euphorie boursière.

Or, si nombre de Colombiens pensent toujours que la stratégie militaire face aux Farc de l’ancien président a permis d’améliorer la sécurité et de développer l’économie, ils lui reprochent aussi ses liens présumés avec les escadrons de la mort d’extrême droite ou la corruption généralisée, qui a valu à nombre de ses proches d’être emprisonnés.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision