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Entaché par un scandale sexuel, Oxfam dévoile son plan d’action

Oxfam a nié avoir manqué de transparence dans sa gestion du scandale haïtien, qui a fait fuir ses soutiens en nombre, et a poussé le gouvernement britannique à menacer de suspendre les subventions aux organisations qui dissimuleraient des scandales sexuels. KEYSTONE/EPA/ANDY RAIN sda-ats

(Keystone-ATS) L’ONG Oxfam a dévoilé vendredi son plan d’action pour s’attaquer aux problèmes de harcèlement sexuel. L’organisation est mise en cause dans un scandale impliquant des prostituées, décrit par sa directrice comme une “tache” qui lui “fera honte pendant des années”.

L’organisation a annoncé la création d’une commission qui “opérera à distance d’Oxfam” et qui aura accès aux registres de l’ONG et à ses employés, avec qui seront menés des entretiens afin d’identifier les abus.

Oxfam va également tripler le financement des programmes de protection, qui atteindra ainsi plus d’un million de dollars, tout en doublant le personnel dédié à ces programmes, et en augmentant l’investissement dans les formations sur les questions de genre.

Enquête haïtienne

Ce nouveau plan est présenté une semaine après des accusations d’exploitation sexuelle de prostituées visant des employés de l’ONG déployés pour des opérations humanitaires en Haïti après le séisme de 2010.

Selon une enquête du Times publiée vendredi dernier, des groupes de jeunes prostituées étaient invités dans des maisons et des hôtels payés par Oxfam en Haïti. Une source citée par le quotidien britannique dit avoir vu une vidéo d’une orgie avec des prostituées portant des T-shirts d’Oxfam.

Le gouvernement haïtien a annoncé jeudi le lancement d’une enquête dans le cadre du scandale Oxfam. Il compte “faire toute la lumière” sur ce scandale, “trouver les responsables” et les “punir conformément à la justice” a déclaré le ministre haïtien des Affaires étrangères Antonio Rodrigue.

Demande de pardon

“Ce qui s’est passé en Haïti est une tache sur Oxfam, qui nous fera honte pendant des années, et à juste titre”, a déclaré la directrice exécutive d’Oxfam International, Winnie Byanyima. “Du plus profond de mon coeur, j’implore le pardon”, a-t-elle ajouté.

L’ONG a nié avoir manqué de transparence dans sa gestion du scandale haïtien, qui a fait fuir ses soutiens en nombre et a poussé le gouvernement britannique à menacer de suspendre les subventions aux organisations qui dissimuleraient des scandales sexuels.

Oxfam a conduit une enquête interne en 2011, menant au renvoi de quatre employés. Trois autres ont été autorisés à démissionner, dont le directeur pour Haïti, Roland van Hauwermeiren, qui a rejeté jeudi une partie des accusations pesant sur lui.

“Circulation” d’une ONG à une autre

Les allégations de recours à des prostituées n’avaient pas été transmises aux autorités haïtiennes à l’époque de l’enquête, mais Oxfam a déclaré vendredi que les noms des personnes impliquées avaient été communiqués depuis. Cette enquête interne sera rendue publique – avec les noms des témoins expurgés -, de même que les rapports de la commission nouvellement créée.

“Nous devons nous assurer que toute personne coupable d’un mauvais comportement aussi grave ne circule pas d’une organisation humanitaire à l’autre, exposant encore plus de personnes vulnérables à d’autres risques”, a déclaré Winnie Byanyima.

Un autre homme impliqué dans le scandale en Haïti avait été engagé par l’organisation CAFOD, qui l’a renvoyé mercredi. Cette organisation humanitaire catholique a dit avoir reçu une lettre de recommandation émanant d’une personne prétendant être son ancien superviseur à Oxfam et envoyée d’une adresse email personnelle.

Oxfam a prévu de créer une base de données mondiales de référents homologués, qui traqueraient les recommandations factices ou non fiables ou factices censées provenir des employeurs passés et présents.

L’ONG a également révélé “être en train de vérifier comment” Gurpreet Singh, renvoyé des suites du scandale en Haïti, avait pu être employé de nouveau quelques mois plus tard en tant que consultant pour une mission d’Oxfam en Ethiopie, d’octobre à décembre 2011.

Cible de plusieurs accusations, le Belge Roland van Hauwermeiren, ancien directeur pays au Tchad et en Haïti, avait fait l’objet dès 2004 d’une plainte pour abus sexuel lorsqu’il était en poste au Liberia pour l’ONG britannique Merlin. Après Oxfam, il avait rejoint l’ONG française Action contre la faim au Bangladesh, cette dernière déplorant ne pas avoir été prévenue.

Oxfam a aussi dit vendredi “enquêter” sur des accusations d’abus sexuels qui auraient eu lieu aux Philippines en 2013. La directrice régionale en Asie, Lan Mercado, a dit mercredi sur la BBC avoir connaissance de plaintes dans ce pays ainsi qu’au Bangladesh et au Népal sur la période 2009-2013, tout en affirmant que leur ampleur n’était “pas comparable” avec Haïti.

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