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EPFL: des neuroprothèses qui s’auto-éduquent

(Keystone-ATS) Des chercheurs de l’EPFL ont développé des neuroprothèses de nouvelle génération capables d’apprendre de leurs erreurs. Ces travaux sont publiés dans Nature Scientific Reports.

Les Brain-Machines Interfaces (BMI ou interfaces cerveau-machine) constituent un grand espoir pour des milliers de patients affectés par les maux les plus divers: amputés ou encore paralysés. Avec ces équipements, ils peuvent contrôler un membre artificiel grâce à des électrodes connectées – directement ou de façon non invasive – au cerveau, a indiqué jeudi l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué.

La plupart des BMI fonctionnent en interprétant les variations de l’activité électrique du cerveau, notamment par le biais d’un électroencéphalogramme. Pour être efficace, une telle méthode requiert un entraînement important de la part des patients. Ils doivent réussir à communiquer les informations désirées (par exemple “tendre le bras gauche”) en modulant leur activité cérébrale.

A l’heure actuelle toutefois, les intéressés doivent passer beaucoup de temps pour apprendre à manier leur neuroprothèse et, malgré cet entraînement, ne sont pas capables de réaliser certains mouvements complexes.

Apprendre de ses erreurs

Lorsque l’on manque une marche par exemple, le cerveau émet une impulsion électrique signifiant l’échec de l’action. Ce signal est nommé Error-related potential (ErrP). José Millán, de l’Institut de bioingénierie de l’EPFL, dont le travail dans le domaine des BMI a été salué par la revue Science, a eu l’idée d’exploiter ce signal pour développer une nouvelle génération de neuroprothèses.

“Grâce à l’ErrP, c’est la machine elle-même qui va apprendre à réaliser les mouvements adéquats”, explique le chercheur, cité dans le communiqué. La détection de ce signal d’erreur a permis à l’équipe du Pr Millán de créer des neuroprothèses capables d’apprendre les mouvements appropriés en se basant sur l’ErrP.

Ainsi, si l’on échoue à saisir un verre d’eau posé devant soi, la neuroprothèse va comprendre que l’action entreprise n’a pas abouti et va modifier les prochains mouvements en conséquence, jusqu’à obtenir le résultat désiré. La machine sait que l’objectif est atteint lorsque l’action effectuée ne génère pas d’ErrP.

Le patient est déchargé de la tâche fastidieuse de l’apprentissage. Cette nouvelle approche pourrait être à l’origine de prothèses intelligentes, capable d’apprendre une vaste palette de mouvements, même complexes.

Maladies neurodégénératives

Les douze sujets de l’expérience ont d’abord dû entraîner leur prothèse à détecter les ErrP. Equipés d’un casque à électrodes, ils ont observé la machine, programmée pour échouer dans 20% des cas, effectuer 350 mouvements distincts. Le réglage du détecteur d’ErrP a duré en moyenne 25 minutes.

Une fois cette première étape accomplie, les cobayes ont réalisé trois expériences pour évaluer l’efficacité de cette nouvelle approche. Dans la dernière, les sujets devaient désigner une cible précise en utilisant un bras robotique placé à deux mètres de distance. Dans les trois cas, la neuroprothèse a démontré des capacités d’apprentissage intéressantes en adaptant continuellement ses actions et en gagnant en précision.

Le bras artificiel mémorise les mouvements corrects et se constitue une base de données d’actions de plus en plus large. Cette capacité pourrait être particulièrement utile aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives, en leur permettant de pallier de façon quasiment organique la perte des fonctions motrices.

La prothèse peut s’adapter en continu même si elle ne dispose pas d’informations claires sur l’objectif, conclut Jose Millán. Cette recherche a été menée en partenariat avec l’Institut aragonais de recherche en ingénierie de l’université de Saragosse (Espagne).

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