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Franchir la frontière peut prendre des heures en Ukraine orientale

(Keystone-ATS) Comme l’Allemagne du temps de la Guerre froide, l’Ukraine orientale est coupée en deux par une frontière artificielle, bordée de tanks et ponctuée de checkpoints. Le parcours est semé d’embûches pour quiconque veut franchir cette “ligne de contact”.

La colonne de voitures forme un bouchon de plusieurs kilomètres sur l’ancienne voie rapide au sud de Donetsk. Certains chauffeurs ont même passé la nuit là, dans leur véhicule, par des températures au-dessous de zéro. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit simplement d’aller rendre visite à des proches de l’autre côté. D’autres sont en voyage d’affaires.

La ville portuaire de Marioupol n’est qu’à une centaine de kilomètres. Mais chaque traversée de la frontière donne lieu à des contrôles plus que pointilleux de la part des autorités ukrainiennes. Gare si un seul sceau manque sur les formulaires douaniers!

Ces démarches fastidieuses peuvent prendre des heures. Et si elles ne sont pas bouclées avant 17h00, le voyageur est quitte pour passer la nuit dans sa voiture ou son camion. Quand la nuit tombe, il n’est pas rare que des tirs retentissent malgré un cessez-le-feu plus ou moins respecté depuis début septembre.

Blocus complet

Les échanges de marchandises sont pourtant vitaux: avec le blocus économique complet imposé par Kiev, les régions séparatistes de l’Est manquent de produits de base: nourriture, médicaments et préparations chimiques destinées au traitement de l’eau. En tout, plus de trois millions de personnes sont concernées, car les problèmes d’eau potable se répercutent des deux côtés de la ligne de contact.

Un million de personnes vivaient dans la seule ville industrielle de Donetsk avant l’insurrection des rebelles séparatistes contre le gouvernement russo-sceptique et plutôt nationaliste de Kiev. Lougansk comptait pour sa part près d’un demi-million d’habitants.

La zone de l’est ukrainien sous contrôle des rebelles prorusses comprend aujourd’hui de grandes parties des “oblast” (provinces) de Donetsk et de Lougansk. Les organisations internationales l’appellent NGCA, pour Non Government Controlled Area (zone hors du contrôle gouvernemental).

Merci à la Russie!

Petit à petit, les gens reviennent en ville. Les commerces rouvrent leurs portes et même les restaurants commencent à faire le plein. Mais la situation serait tout autre si la Russie ne fournissait pas la marchandise nécessaire. A l’entrée de Lougansk, le message est clair: “Spasibo za pomochtch, Rossija!” – “Merci à la Russie pour son soutien”, peut-on lire sur un grand panneau.

Les organisations internationales font leur possible pour apporter de l’aide: le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est sur place, tout comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Mais leur situation est précaire: fin septembre, plusieurs ONG dont Médecins sans frontières (MSF) se sont vu retirer leur autorisation de travailler par les autorités locales de Lougansk. Apparemment, elles “monopolisaient” le marché des médicaments, ce qui contrariait certains pontes locaux. Des intérêts économiques semblaient être en jeu.

Même les représentants de l’Aide humanitaire suisse ont vu leur rencontre prévue avec les autorités de Lougansk annulée au dernier moment la semaine passée. Les rapports de forces près de la frontière russe demeurent indéchiffrables pour des tiers.

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