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Funérailles de Palestiniens tués à la frontière israélienne

Des dizaines de proches et de confrères du journaliste ont participé à une procession entre l'hôpital et sa maison lors de laquelle son corps était recouvert d'un drapeau palestinien et d'un gilet "presse". KEYSTONE/AP/KHALIL HAMRA sda-ats

(Keystone-ATS) Des habitants de la bande de Gaza ont enterré samedi des proches tombés la veille sous les balles israéliennes à la frontière entre Gaza et Israël lors d’une nouvelle journée de protestations. Celle-ci a fait neuf morts palestiniens, dont un journaliste.

Malgré les menaces israéliennes, des milliers de Palestiniens s’étaient rassemblés vendredi près du mur séparant l’Etat hébreu de la bande de Gaza, pour le deuxième vendredi de suite.

Des affrontements ont alors éclaté, comme le 30 mars, date à laquelle le territoire palestinien avait connu son bilan le plus sanglant (19 morts) depuis la guerre de 2014.

Pierres contre balles réelles

Des manifestants ont incendié des pneus – pour tenter de réduire la visibilité – et lancé des pierres sur les soldats, qui ont riposté en tirant des gaz lacrymogènes et à balles réelles.

Neuf manifestants ont été tués, selon le ministère de la Santé du Hamas, mouvement islamiste qui dirige Gaza, considéré comme “terroriste” par Israël. Près de 500 Palestiniens ont été blessés par balles, d’après la même source.

Parmi eux figure le journaliste Yasser Mourtaja, qui est ensuite décédé de ses blessures. Ce trentenaire, qui travaillait pour l’agence Ain Media basée à Gaza, avait été touché par des tirs israéliens à l’est de Khan Younès, dans le sud de l’enclave, selon le ministère.

Une vidéo prise au moment où M. Mourtaja était transporté vers un centre de soins le montre portant une veste sur laquelle on peut lire “PRESS” (presse).

“Journalistes visés”

Le frère de Yasser, Motazem, également journaliste, a dit qu’il se trouvait à ses côtés quand il a été blessé. “La cible était très clairement les journalistes”, a-t-il affirmé.

Selon le syndicat des journalistes palestiniens, cinq journalistes ont été blessés vendredi, et ils étaient, a-t-il affirmé, clairement identifiables avec leur veste.

L’armée israélienne a elle assuré dans un communiqué qu’elle “ne cible pas intentionnellement les journalistes”, ajoutant qu’elle examinait les circonstances des tirs.

Pour le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, le journaliste a “manifestement été victime d’un tir intentionnel”. RSF “condamne avec la plus grande indignation les tirs délibérés de l’armée israélienne contre des journalistes”, a-t-il tweeté, réclamant “une enquête indépendante”.

Procession

Samedi, des dizaines de proches et de confrères du reporter ont participé à une procession entre l’hôpital et sa maison lors de laquelle son corps était recouvert d’un drapeau palestinien et d’un gilet “presse”.

Assistant aux funérailles, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, lui a rendu hommage, affirmant qu’Israël attaquait des journalistes qui essayaient de montrer la “vraie image d’un peuple opprimé sous blocus”.

A Ramallah, en Cisjordanie occupée illégalement depuis 1967 par l’Etat hébreu, une cinquantaine de journalistes se sont aussi rassemblés à la mémoire de Yasser Mourtaja.

“Droit au retour”

Un groupe de plus de 70 ONG internationales opérant dans les territoires palestiniens occupés a condamné le “meurtre illégal de civils à Gaza”, appelant à “une enquête indépendante et transparente”.

Le mouvement de protestation lancé le 30 mars et baptisé “la marche du retour”, prévoit des rassemblements et campements durant six semaines à la frontière pour réclamer “le droit au retour” de quelque 700’000 Palestiniens chassés de leurs terres ou ayant fui lors de la guerre qui a suivi la création d’Israël le 14 mai 1948.

La désespérance dans la bande de Gaza, éprouvée par plusieurs guerres avec Israël, les blocus de l’Etat hébreu et de l’Egypte, la réclusion, la pauvreté et les pénuries, alimente la forte tension et le ressentiment.

Le Koweït a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter une déclaration appelant à une enquête indépendante sur les affrontements. Mais Washington, allié indéfectible d’Israël, a bloqué cette démarche, selon des diplomates.

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