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HEIG-VD: les stéréotypes de genre pas une fatalité en robotique

Les humains ne parviennent que difficilement à s'abstraire des stéréotypes de genre dans leurs interactions avec des robots. Ici, l'humanoïde Jiajia, surnommée la "Déesse Robot", présentée en avril dernier à Shanghai (archives). KEYSTONE/EPA/SHERWIN sda-ats

(Keystone-ATS) L’être humain projette des stéréotypes de genre sur les robots. Mais mieux il est informé des capacités de la machine, plus il est capable d’en faire abstraction, selon une étude de la Haute école d’ingénierie et de gestion (HEIG-VD) à Yverdon-les-Bains (VD).

Des études scientifiques ont déjà montré que des stéréotypes de genre sont appliqués aux robots. Ainsi, un robot aux traits masculins sera préféré à un robot féminin pour effectuer des tâches de mathématiques, un autre avec une voix masculine sera mieux accepté comme agent de sécurité que le même engin disposant d’une voix féminine.

Collaborateur scientifique à la HEIG-VD, Florian Dufour, avec sa collègue la professeure Céline Ehrwein Nihan, a voulu d’une part vérifier l’application de stéréotypes à des robots dans le contexte suisse et, d’autre part, identifier les conditions sous lesquelles de tels stéréotypes ne seraient pas forcément déterminants.

Lors de la journée portes ouvertes de la haute école spécialisée du Nord vaudois en 2014, ils ont soumis 121 visiteurs âgés de 18 à 69 ans à un questionnaire sur ordinateur. Il s’agit là d’un échantillon plus représentatif de la population générale que dans d’autres études sur le sujet, la plupart ayant été menées sur des étudiants, a indiqué M. Dufour à l’ats.

Les participants devaient réagir à différentes situations mettant en scène le même robot avec des traits masculins ou féminins effectuant des tâches typiquement masculines, comme soulever un moteur ou changer des bougies de voiture. Tantôt, les caractéristiques techniques du robot – par exemple sa capacité à soulever 150 kilos ou 15 kilos – leur étaient fournies, tantôt non.

Résultats: lorsque la force du robot est fournie aux intéressés, le robot “féminin” est jugé tout aussi compétent que le robot “masculin”, autrement dit, les stéréotypes n’ont plus d’effet apparent sur les jugements. A l’inverse, si les informations fournies sont insuffisantes, les participants tendent à se baser sur les stéréotypes.

Pas si simple

Néanmoins, les choses ne sont pas si simples, écrivent les chercheurs dans la revue “Social Sciences”. Ces travaux ont aussi montré par exemple que le jugement continue à être guidé par les stéréotypes en présence d’un robot “masculin” dont les spécifications techniques sont connues mais insuffisantes pour accomplir la tâche.

“C’est un peu irrationnel et cela montre la puissance des stéréotypes”, note M. Dufour. D’autres études ont également montré que l’empathie des personnes, et donc probablement les effets stéréotypés, est boostée lorsqu’elles interagissent avec un vrai robot.

Recherches à poursuivre

Il s’agit donc de poursuivre les recherches dans ce domaine, note le spécialiste. Il serait intéressant de refaire l’étude avec une tâche typiquement féminine, nécessitant de l’empathie, par exemple. Enfin, ces travaux, qui ont répliqué en partie des résultats obtenus en Allemagne, n’ont pas mis en évidence de spécificités liées au contexte suisse.

De manière plus générale, M. Dufour se félicite d’avoir pu montrer que les stéréotypes de genre ne sont pas une fatalité en robotique. Les designers de robots savent ainsi qu’ils peuvent éviter de perpétuer les stéréotypes humains sans que cela ait un impact commercial négatif sur leurs créations, écrivent les chercheurs dans leurs conclusions.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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