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Inéligibilité, prison et amende requises contre Serge Dassault

L'industriel est notamment mis en examen pour fraude fiscale, achat de votes et complicité de financement illicite de campagne. KEYSTONE/EPA/PHILIPPE WOJAZER / POOL sda-ats

(Keystone-ATS) Une peine d’inéligibilité de cinq ans, deux ans de prison avec sursis et 9 millions d’euros d’amende ont été requis jeudi contre Serge Dassault. Il était poursuivi à Paris pour blanchiment de fraude fiscale.

Selon le parquet national financier, le sénateur Les Républicains de l’Essonne ne peut pas “décemment” continuer à siéger à la haute assemblée. Il est accusé d’avoir dissimulé au fisc jusqu’à 31 millions d’euros sur des comptes au Luxembourg et au Liechtenstein,

Le sénateur a déjà perdu un mandat électoral sur décision de justice. En 2009, le Conseil d’Etat avait annulé sa réélection à la mairie de Corbeil-Essonnes (Essonne), en raison de “dons d’argent”, et l’avait déclaré inéligible pendant un an.

Mais si le tribunal correctionnel de Paris prononçait son inéligibilité, celle-ci ne prendrait effet qu’une fois la décision devenue définitive. Ce qui semble improbable avant les prochaines élections sénatoriales de 2017.

Dans un réquisitoire à deux voix, le parquet national financier a étrillé jeudi le “choix” de M. Dassault de ne pas se présenter devant ses juges. Il y a quelques jours, le sénateur LR était à Aix-en-Provence pour un baptême de promotion à l’Ecole de l’air Marcel Dassault.

“Il est évidemment beaucoup moins glorieux de se retrouver devant la 32e chambre du tribunal correctionnel et d’expliquer pour quelles raisons pendant 15 ans, de 1999 à 2014, il a dissimulé des dizaines de millions d’euros à l’administration française”, a déclaré la procureure Ulrika Delaunay-Weiss.

“Sa loi et celle des autres”

“Il y a sa loi et il y a la loi des autres”, a-t-elle dénoncé. Elle a vertement critiqué l’élu et capitaine d’industrie qui “piétine et bafoue les valeurs républicaines”.

En cause, les comptes de quatre fondations et sociétés, basées aux Iles Vierges britanniques, au Luxembourg et au Liechtenstein. Elles ont abrité jusqu’à 31 millions d’euros en 2006, près de 12 millions en 2014.

“On ne sait pas ce qu’est devenu ce petit delta de 19 millions d’euros”, a souligné mercredi le président du tribunal, Olivier Géron. Quant à leur origine, le tribunal ne dispose pas d’éléments précis.

Fonds hérités

Pour la défense de M. Dassault, Jacqueline Laffont a plaidé la relaxe, étrillant un “réquisitoire militant, qui convoque des notions telles que la morale, la décence, l’apologie de la transparence”. Notions qui aux yeux de l’avocate “n’ont pas leur place dans une enceinte judiciaire”.

Serge Dassault a hérité de ces fonds placés sur des comptes à l’étranger. Ils auraient été placés dans les années 1950 par Marcel Dassault, qui avait “peur de revivre la guerre” et voulait “protéger sa famille”, “après avoir été déporté” et être revenu vivant de Buchenwald, a précisé Me Pierre Haïk, conseil du prévenu.

Serge Dassault a “régularisé une situation fiscale dont il a hérité”, a poursuivi l’avocat. Il a dénoncé une “forme de déloyauté” dans les poursuites du parquet, là où le fisc a décidé de ne pas le poursuivre pour fraude fiscale.

Serge Dassault est également jugé pour avoir omis de déclarer 11 millions d’euros en 2014 et 16 millions en 2011 à la Commission pour la transparence financière de la vie publique. Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 1er septembre.

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