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Inutile de légiférer sur le port du voile, selon une majorité

Le Conseil fédéral s'oppose à une interdiction de la burqa au niveau fédéral. Il propose un modèle plus souple, qu'une majorité de partis trouvent superflu (archives). KEYSTONE/TI-PRESS/PABLO GIANINAZZI sda-ats

(Keystone-ATS) Le contre-projet du Conseil fédéral à l’initiative anti-burqa ne suscite guère de surprise en consultation. La gauche, la droite modérée et les cantons trouvent superflu de légiférer. Pour l’UDC en revanche, le projet est trop mou.

Pour rappel, le gouvernement préfère ne pas interdire la burqa ou le niqab au niveau fédéral. Dans ce but, il a mis en consultation jusqu’à jeudi un contre-projet indirect à l’initiative “Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage”, contre-projet qui ne sera appliqué que si l’initiative est retirée ou rejetée.

Dans les grandes lignes, contraindre une femme à porter le voile intégral sera puni. Le code pénal sera renforcé pour pouvoir punir celui qui contraint une personne à se dissimuler le visage, en usant de violence, en la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action.

Deuxième point fort du contre-projet: renforcer l’obligation de montrer son visage dans certaines situations. Des règles claires doivent éviter l’apparition de tensions, notamment lors de contrôles d’identité par les autorités mais aussi dans les transports publics. Les cantons qui souhaitent aller plus loin et interdire la dissimulation du visage dans l’espace public seraient libres de le faire, selon le Conseil fédéral.

Conseil fédéral trop timide

L’UDC rejette sans détour le contre-projet, très limité et qui ne tient selon elle nullement compte de l’objectif de l’initiative. Le visage est une part centrale de l’identité et doit obligatoirement être visible publiquement. Les solutions purement cantonales ne suffisent pas aux yeux de l’UDC: les touristes en particulier n’ont cure de règlements cantonaux, voire des frontières cantonales.

Pour des motifs politiques, le Conseil fédéral se cache derrière la souveraineté des cantons, accuse l’UDC. Il aurait été plus honnête et cohérent de recommander le rejet de l’initiative plutôt que d’élaborer un contre-projet.

Le PLR rejette une interdiction totale de la burqa et du niqab au niveau national, cette question étant de la compétence des cantons. Le PDC juge quant à lui que la question devrait être réglée au niveau législatif et non au niveau constitutionnel. Ainsi des exceptions, par exemple pour des traditions comme le carnaval, pourraient y être inscrites.

Le PLR doute aussi du besoin de légiférer, le port du voile intégral étant un phénomène marginal voire inexistant en Suisse. Enfin, un Etat libéral n’a pas à imposer de code vestimentaire, sauf dans les cas où l’intérêt public le nécessite.

Hooligans

Pour le PLR, une interdiction totale de dissimulation du visage ne se justifie pas non plus en regard des hooligans, souvent cités dans ce contexte, puisque les cantons sont là aussi compétents et qu’ils ont souvent déjà pris les devants.

Enfin, le PLR juge inutile de compléter la disposition sur la contrainte dans le code pénal: le durcissement prévu par le Conseil fédéral n’a qu’un caractère symbolique, puisque toute forme de contrainte est déjà punissable aujourd’hui.

Les Vert’libéraux soutiennent sans réserve le contre-projet du Conseil fédéral, qui renonce à juste titre à une interdiction généralisée. Le PVL applaudit notamment la tolérance zéro envers le port forcé du voile. Le PDC est aussi d’avis qu’il faut explicitement inscrire dans le code pénal que personne ne doit contraindre une autre personne à dissimuler son visage.

Le PS salue l’approche selon laquelle l’obligation de montrer son visage n’est fixée dans la loi que pour les situations pouvant présenter de réelles difficultés, à savoir lorsque les autorités doivent procéder à une identification visuelle.

Le PS souligne toutefois que le port de symboles religieux dans des institutions publiques n’est pas un gros problème en Suisse. Les conflits qui en résultent se résolvent la plupart du temps d’eux-mêmes. Pour cette raison, il est juste que le règlement proposé par le Conseil fédéral soit modéré.

“Alimenter les préjugés”

Pour les Verts au contraire, il est disproportionné et inutile, le cadre légal existe déjà pour punir quiconque oblige une femme à dissimuler son visage. Autant l’initiative que son contre-projet ne contribuent en rien à davantage d’égalité et au respect des droits des femmes musulmanes. Ils alimentent bien plus les préjugés envers la population musulmane. Et cela sur le dos des femmes.

En présentant un contre-projet, le Conseil fédéral reconnaît un besoin d’agir là où il n’y a pas lieu de le faire, dénoncent les Verts.

Pour la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP), créer une base légale pour limiter la dissimulation des visages va trop loin. Elle affirme ne pas avoir connaissance de problèmes sporadiques concernant des femmes portant la burqa ou le niqab.

Du point de vue de la politique de sécurité, une interdiction n’apporte rien aux règlements cantonaux existants, ajoute la CCDJP. Une interdiction a un caractère purement programmatoire. Si, malgré les réserves, un règlement était adopté au niveau fédéral, la CCDJP plaide pour une intervention la plus modérée possible.

La Commission fédérale pour les questions féminines (CFQF) juge superflue et disproportionnée une interdiction générale de se dissimuler le visage: la commission souligne l’importance d’interdire cette pratique dans les écoles, mais cette question est clairement du ressort des cantons, rappelle-t-elle.

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