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Israël: la colonie d’Amona définitivement évacuée

Des évacuations à la fois spectaculaires et théâtrales à Amona KEYSTONE/AP/TSAFRIR ABAYOV sda-ats

(Keystone-ATS) Des centaines de policiers israéliens ont extrait de force jeudi des colons retranchés dans la synagogue de la colonie d’Amona en Cisjordanie occupée. Entre 200 et 300 habitants ont été évacués après une opération qui a duré plusieurs heures.

Les accès du lieu de prière ont été forcés par les policiers. Retransmise par les chaînes de télévision israéliennes, l’évacuation a constitué le point d’orgue d’une bataille de plusieurs années aux lourds enjeux humains, politiques et diplomatiques. Cette colonie est vouée à la démolition sur ordre de la Cour suprême israélienne. Sa destruction devrait intervenir dès la semaine prochaine.

Il a fallu longtemps aux policiers pour venir à bout des plaques de métal et des madriers placés derrière les portes et les fenêtres. Les pandores se sont protégés derrière des boucliers contre les crachats et les projectiles lancés à travers les interstices.

A l’intérieur de la synagogue, des dizaines de jeunes hommes regroupés autour de deux rabbins ont fait barrage de leurs corps. Les policiers ont fini par attaquer les parois et les ouvertures du préfabriqué à la scie circulaire. Enfin à l’intérieur des lieux, ils ont extirpé les irréductibles un à un par les bras et les pieds.

“Huit policiers ont été blessés aujourd’hui, 24 mercredi. En outre, 14 personnes ont été arrêtées jeudi. Le but était d’évacuer la zone, c’est chose faite”, a déclaré le porte-parole de la police israélienne, Micky Rosenfeld.

Terres bibliques

La plupart des colons récalcitrants étaient des adolescents venus des colonies environnantes avec la conviction inébranlable que ces terres de Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, sont israéliennes selon la Bible, ceci quoi qu’en disent les juges, les Palestiniens ou la communauté internationale.

“Nous partons le coeur brisé”, a déclaré l’un des rabbins, ajoutant “Nous avons agi pour la terre d’Israël et le peuple d’Israël”.

La veille, les policiers s’étaient déjà empoignés avec des centaines de jeunes les accusant de trahir le peuple juif, dans une confusion de cris, de chants et occasionnellement de jets de pierres. Les policiers étaient finalement parvenus à faire évacuer la quasi-totalité des dizaines de préfabriqués dans lesquels s’étaient installés les colons israéliens depuis la fin des années 1990, en haut d’une colline pelée et venteuse, présumée biblique.

Nouvelle colonie en gestation

La colonie d’Amona a servi l’agenda du lobby des colons, et ceci jusqu’au sein du gouvernement israélien. Elle a inspiré un projet de loi qui permettrait de légaliser 55 colonies “sauvages” et de s’approprier des centaines d’hectares de terres palestiniennes. Un pas de plus vers l’annexion de la Cisjordanie que réclament ouvertement certains ministres, selon les détracteurs du texte.

Le premier ministre Benjamin Netanyahu avait annoncé mercredi au soir la formation d’un groupe chargé de rechercher rapidement le terrain de ce qui serait une nouvelle colonie pour les gens d’Amona.

La colonisation s’est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens depuis 1967. Mais aucun n’avait officiellement annoncé de nouvelle colonie depuis 1992, avant les accords d’Oslo sur l’autonomie palestinienne, a déclaré jeudi Hagit Ofran, de l’organisation israélienne anticolonisation la Paix maintenant.

C’est une “décision très grave”, a ajouté Mme Ofran, tout en précisant que le relatif moratoire observé depuis 1992 n’avait pas empêché la colonisation. Soit Israël construisait à l’intérieur de colonies déjà existantes, soit il reconnaissait rétroactivement des colonies dépourvues de son approbation officielle.

Avec la bénédiction de Trump

Tourmenté par sa droite et par les enquêtes, M. Netanyahu s’est engouffré dans l’espace ouvert par l’avènement de Donald Trump aux Etats-Unis. Depuis le 20 janvier, Israël a annoncé la construction de plus de 6000 logements de colonisation. Sans s’être installé dans le coeur des Israéliens, “le mouvement des colons (qui fêtera son 50e anniversaire dans cinq mois) a gagné par KO la guerre” dans le débat public, écrivait jeudi le quotidien israélien Maariv.

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