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L’Alabama au centre du jeu politique pour une élection à suspense

Le candidat républicain Roy Moore, ici à gauche, lors de son ultime meeting lundi à Midland City, en Alabama. KEYSTONE/AP/BRYNN ANDERSON sda-ats

(Keystone-ATS) Trois millions d’électeurs de l’Etat américain de l’Alabama sont appelés aux urnes mardi. Ils doivent élire leur second sénateur. Ce scrutin incertain déchaîne les passions au Congrès, au parti républicain et jusqu’à la Maison-Blanche de Donald Trump.

Les bureaux de vote ouvriront entre 07h00 et 19h00 (14h00 mardi à 02h00 mercredi en Suisse). Les sondages ont beaucoup varié ces derniers jours, et la participation reste la grande inconnue. Le responsable des élections dans l’Alabama, John Merrill, dit s’attendre à un taux de seulement 25%.

Toute la course s’est concentrée sur le sulfureux candidat républicain, Roy Moore. Cet ancien juge ultra-conservateur veut porter au Sénat des Etats-Unis son activisme religieux mais depuis plus d’un mois, il est accusé d’attouchements sur deux mineures à la fin des années 1970.

Le scandale a mis ce siège de sénateur à portée de main des démocrates. Cela pour la première fois depuis un quart de siècle.

Et il a créé un casse-tête pour le parti au pouvoir. Ses responsables et élus au Congrès ont appelé Roy Moore à se désister après les premières allégations, il y a un mois, en vain. Ils sont résolus à une sorte de défaite, quel que soit le résultat.

Si Roy Moore l’emporte, la marque républicaine risquerait d’être salie, alors que les Etats-Unis sont en plein examen de conscience sur le harcèlement sexuel et le respect de la parole des victimes. Et si le candidat perd, la majorité dans la cruciale Chambre haute du Congrès passerait de 52 à 51 sièges sur 100, laissant une marge de manoeuvre réduite.

Campagne virulente

C’est pour conserver ce précieux siège, vacant après la nomination de Jeff Sessions comme ministre de la Justice au début de l’année, que Donald Trump a fini par soutenir Roy Moore. Au diable les conséquences pour les élections législatives de 2018, ou pour l’image d’un parti duquel il sait se dissocier selon les circonstances.

L’ex-conseiller présidentiel Stephen Bannon a jeté son dévolu sur le “juge Moore” au nom de la lutte contre “l’establishment” républicain, qu’il accuse de vouloir freiner la révolution “trumpiste”. La campagne, la première pour un siège du Sénat depuis l’élection de Donald Trump, a été d’une virulence mémorable, dans un Etat pourtant habitué aux scandales.

Ostracisé par son parti

Roy Moore, ostracisé par son propre parti, a emprunté le “manuel trumpiste”. Il a ainsi qualifié de “fake news” les allégations des femmes – un slogan repris avec gourmandise par ses partisans.

Et par-dessus son discours traditionnel hostile à l’avortement, aux homosexuels et aux transgenres, il a repris les grands thèmes présidentiels de l’immigration clandestine et de la défense. Il se présente en partenaire fiable du dirigeant.

“Nous n’allons pas laisser des gens venus d’ailleurs, ou de l’argent californien, contrôler l’issue de cette élection”, a-t-il clamé lundi lors de son dernier meeting. Son épouse, Kayla, a défendu son honneur et rejeté les accusations de racisme, de sexisme et d’antisémitisme, soulignant par exemple: “notre avocat est un juif”.

Un ex-procureur fédéral

Les démocrates ont investi considérablement dans la bataille. Grâce à une avalanche de dons, ils ont inondé les antennes de publicités télévisées et dépêché sur place des figures démocrates noires pour mobiliser la minorité noire qui représente environ le quart des électeurs.

Leur candidat, Doug Jones, ancien procureur fédéral de 63 ans, en appelle aussi aux républicains modérés et des classes supérieures qui seraient rebutés par les allégations d’agression sexuelle.

Réflexe partisan

“Cette élection est l’une des plus importantes de notre histoire”, a-t-il déclaré lundi. “A ce carrefour de l’histoire de l’Alabama, prenons la bonne route”, a-t-il dit, une proposition ressemblant à celle d’Hillary Clinton en 2016.

Mais le réflexe partisan est fort dans ce bastion conservateur. Ceux qui auraient pu être tentés de voter Doug Jones butent sur sa position favorable au droit à l’avortement. Mais dans l’Alabama profond, les habitants restent fidèles à leur président et leur parti.

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