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La droite populiste allemande adopte un cap anti-islam

Frauke Petry (gauche) s'est exprimée devant une assemblée majoritairement masculine et d'âge mûr réunie pour deux jours à Stuttgart. KEYSTONE/EPA DPA/MARIJAN MURAT sda-ats

(Keystone-ATS) Galvanisée par des sondages au zénith, la droite populiste allemande de l’AfD a bouclé dimanche son premier programme en trois ans d’existence. Avec une tonalité anti-islam largement acclamée et l’ambition de “conquérir des majorités”.

“L’islam ne fait pas partie de l’Allemagne” et les minarets, les appels du muezzin et le voile intégral “doivent être interdits”, ont décidé les 2400 participants au congrès de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Une assemblée majoritairement masculine et d’âge mûr réunie pour deux jours à Stuttgart.

La salle a hué les rares orateurs plus nuancés, qui appelaient par exemple à “stopper l’islamisme mais chercher le dialogue avec l’islam”. “L’islam est, en soi, politique !”, a rétorqué un intervenant, pendant qu’un autre évoquait “la charia, les attentats-suicide et les mariages forcés”.

Protéger la culture occidentale

Comme attendu, les questions identitaires et religieuses ont dominé les débats, d’autant que même l’aile la plus libérale du parti entend protéger “la culture occidentale chrétienne” en traitant l’islam comme un corps étranger, selon le discours samedi de son porte-flambeau Jörg Meuthen.

Stimulée par le récent succès du parti d’extrême droite FPÖ au premier tour de l’élection présidentielle autrichienne et quelques mois après la poussée du Front National aux régionales françaises, l’AfD vise désormais les élections législatives de 2017, après avoir intégré la moitié des parlements régionaux allemands.

De 3% à 13% d’opinions favorables

“A l’été 2015, on nous donnait pour morts”, a rappelé samedi à l’ouverture du rassemblement la coprésidente du parti Frauke Petry, sourire revanchard aux lèvres: l’AfD est remontée de 3% à 13% d’opinions favorables, selon une enquête Emnid publiée dimanche par le quotidien Bild, qui fait du jeune parti la troisième force politique du pays.

Pour “conquérir des majorités”, comme le promet sa porte-parole, l’AfD veut préciser son “contre-projet”, jusqu’alors aussi flou qu’évolutif: sa ligne anti-euro d’origine, lors de sa création au printemps 2013, est devenue anti réfugiés à l’automne 2015, au plus fort de l’afflux de demandeurs d’asile en Allemagne, puis anti-islam depuis la fermeture des frontières.

Hôte de la manifestation, Jörg Meuthen a défini samedi sa formation comme un mélange de “conservatisme moderne”, de “libéralisme conséquent” et de “patriotisme sain, partagé par tous les citoyens de bonne volonté”.

Tourner le dos à 1968

Il a appelé à tourner le dos “à l’Allemagne de 1968 infectée par la gauche rouge-verte” et à valoriser “les aspects positifs de l’histoire allemande et fondateurs de son identité”, déplorant que la mémoire officielle se “réduise” au passé nazi.

Si l’AfD se rassemble autour d’une promotion de la démocratie directe, d’une mise en doute du réchauffement climatique et d’une vision conservatrice de la société, avec un rejet de la “théorie du genre” rappelant les débats français sur ce thème, le parti reste divisé sur des sujets majeurs.

Fédération de Sarre exclue

A quel point faut-il flirter avec l’extrême droite ? La question est plus périlleuse en Allemagne qu’ailleurs et oppose depuis la création de l’AfD son aile nationale-conservatrice très implantée en ex-RDA et son aile libérale-conservatrice plus puissante à l’Ouest, soucieuse d’éviter cette étiquette infamante.

Le parti a exclu samedi à une très courte majorité sa fédération de Sarre (ouest), trop proche des milieux extrémistes, mais évité un vote délicat sur le rapprochement avec le Front national français. L’un de ses députés européens, Marcus Pretzell, a décidé de son propre chef de rejoindre le groupe parlementaire emmené par le FN à Strasbourg.

La dérive droitière de l’AfD suscite une hostilité particulièrement visible ce week-end: après les échauffourées de samedi avec des militants antifascistes, dont 500 ont été interpellés, un site marqué à gauche a publié dans la nuit les données personnelles des participants au congrès.

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