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La première correction des eaux du Jura a 150 ans

Le canal de Hagneck, ici à son embouchure avec le lac de Bienne, représente la pièce maîtresse du système de régulation des eaux du Jura entre les trois lacs (archives). KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Avant de devenir le potager de la Suisse, la région du Seeland n’était qu’un vaste marécage où sévissait la malaria. Il a fallu la correction des eaux du Jura pour y parvenir. Il y a 150 ans ce mardi, l’Assemblée fédérale débloquait 5 millions de francs à cette fin.

Pour les cantons concernés (BE, FR, NE, SO, VD), il aurait été impossible de porter un projet d’une telle envergure. Et avant la fondation de l’Etat fédéral en 1848, le climat politique issu de la Guerre du Sonderbund était empoisonné à un tel point qu’il était illusoire d’en discuter ne serait-ce que l’idée.

Ce projet d’assainissement du marécage est porté à bout de bras par le politicien seelandais Johann Rudolf Schneider (1804-1880). Enfant déjà, celui qui allait devenir conseiller d’Etat et conseiller national avait expérimenté les eaux sauvages, lorsque l’Aar en crue venait lécher les murs de la maison familiale à Meienried, sur les rives du lac de Bienne.

Officiant comme médecin à Nidau (BE), J. R. Schneider découvre le rapport entre les inondations et la mauvaise santé de la population des régions marécageuses à proximité des lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat. Epidémies et paludisme se propageaient alors sans obstacle.

Un ingénieur audacieux

En 1839, le gouvernement cantonal bernois, où siégeait Johann Rudolf Schneider, sollicite les services de l’ingénieur grison Richard La Nicca, déjà auteur de la correction du Rhin à Domleschg (GR), qui s’était aussi illustré par son travail sur la Linth (GL, SG, SZ). Trois ans plus tard, ce dernier a développé un projet audacieux pour l’Aar.

Il propose de détourner la rivière à Aarberg (BE) pour la rediriger dans les eaux du lac de Bienne. Les plans de M. La Nicca résistent aux longues tergiversations des cantons concernés et, moyennant quelques modifications, seront mis en oeuvre… un quart de siècle plus tard. Grâce notamment au travail de lobbying de J. R. Schneider.

Le plus grand chantier hydraulique

Faisant valoir un article de la nouvelle constitution fédérale de 1848, ce dernier obtient que le projet soit placé sous la supervision de la Confédération et bénéficie de son financement dès 1867. Les travaux du plus grand chantier hydraulique de l’histoire suisse débutent un an plus tard.

Le canal de Nidau-Büren est creusé en premier. Vient ensuite, dès 1875, la construction de la pièce maîtresse, le canal de Hagneck. C’est grâce à lui que l’Aar est détourné d’Aarberg vers le lac de Bienne. Suivent encore les corrections de la Thielle entre les lacs de Neuchâtel et Bienne et de la Broye entre les lacs de Morat et Neuchâtel. Cette première correction des eaux du Jura a abaissé le niveau des trois lacs de 2,5 mètres.

Deuxième correction

Ces travaux titanesques pour l’époque n’ont cependant pas suffi. La région continuait d’être frappée par des inondations dévastatrices. Il a fallu une seconde correction des eaux, menée de 1962 à 1972, pour régler la question. Le niveau des lacs est alors abaissé d’un mètre supplémentaire. D’insalubre, le Seeland est non seulement devenu viable et sain, mais s’est carrément transformé en potager de la Suisse.

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