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La réforme constitutionnelle adoptée au Burundi

Le chef de l'Etat en exercice Pierre Nkurunziza pourra briguer deux nouveaux mandats à partir de 2020 (archives). KEYSTONE/AP/BERTHIER MUGIRANEZA sda-ats

(Keystone-ATS) Près des trois quarts des électeurs burundais ont approuvé par référendum une nouvelle Constitution. Le texte permet au président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.

La commission électorale a annoncé lundi que la réforme constitutionnelle soumise au vote des Burundais jeudi dernier avait été approuvée par 73% des votants. Ces chiffres n’incluent pas la diaspora, mais celle-ci ne représente que 0,27% des votants. Les résultats définitifs doivent être validés dans un délai de neuf jours par la Cour constitutionnelle.

Lors d’une conférence de presse, le président de la commission électorale Pierre Claver Ndayicariye a indiqué que le taux de participation s’était élevé à 96%. Les électeurs étaient appelés à répondre par “oui” ou par “non” à des amendements prévoyant de prolonger de cinq à sept ans le mandat présidentiel et autorisant le chef de l’Etat en exercice à briguer deux nouveaux mandats à partir de 2020.

“Intimidations et harcèlement”

L’ancien leader rebelle hutu Agathon Rwasa, chef de la coalition d’indépendants Amizero y’Abarundi (Espoir des Burundais), a annoncé dès samedi qu’il ne reconnaissait pas les résultats. Il entend présenter un recours devant la cour Constitutionnelle, qui n’a aucune chance d’aboutir, celle-ci étant depuis 2015 complètement soumise au pouvoir.

Il estime que le processus électoral n’a été “ni libre, ni transparent, ni indépendant, encore moins démocratique”, en raison des “intimidations et (du) harcèlement” dont a été victime la population de la part du CNDD-FDD. Selon son mouvement, des responsables des bureaux de vote membres du CNDD-FDD, ainsi que des Imbonerakure, la ligue de jeunesse de ce parti, ont forcé des électeurs à voter oui.

Les organisations de défense des droits de l’homme estiment également que le scrutin a été organisé dans un climat de peur et d’intimidation. Des accusations balayées par le gouvernement qui affirme que les opérations de vote se sont déroulées de manière libre et juste.

Opposants tués

Dans un communiqué diffusé en réaction à l’annonce du résultat, le département d’Etat américain a critiqué un scrutin marqué par le manque de transparence et des manoeuvres d’intimidation des électeurs. Il a également condamné la décision du gouvernement de suspendre des organes de presse.

“Le gouvernement a autorisé une campagne vigoureuse de l’opposition durant les deux semaines de campagne officielle, mais de nombreux cas de harcèlement et de répression contre les opposants au référendum dans les mois précédant le vote ont contribué à créer un climat de peur et d’intimidation”, a dit le département d’Etat.

Selon Human Rights Watch, au moins 15 opposants ont été tués ces derniers mois au Burundi par les forces de sécurité et par des partisans du parti présidentiel dans le cadre de la campagne référendaire.

Président au-dessus de la loi?

L’opposition redoute que la modification de la Constitution ne permette à Pierre Nkurunziza de se situer au-dessus de la loi. Le nouveau texte donne les mains libres à M. Nkurunziza, qui concentrera désormais seul tous les leviers du pouvoir exécutif. Il acte aussi la mainmise totale de son parti, le CNDD-FDD, sur les institutions et la dérive autocratique du pouvoir depuis 2015.

Âgé de 54 ans, Pierre Nkurunziza est un ancien professeur de sport qui a combattu dans les rangs des Forces de défense de la démocratie pendant la guerre civile. Il appartient à la majorité hutue. Il est arrivé au pouvoir en 2005, à la fin du conflit qui a fait 300’000 morts.

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