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La Suisse veut accueillir un centre mondial sur l’eau et la paix

La question de l'eau devient "un défi mondial pour notre génération et les futures", a souligné jeudi le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) lors de la réunion internationale à Genève sur la "diplomatie de l'eau". Keystone/EPA KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse veut accueillir à Genève un Observatoire mondial pour prévenir les conflits liés à l’eau. Didier Burkhalter a lancé dans cette ville cette proposition recommandée par un panel international, porté par Berne, dans son rapport final présenté jeudi.

Le scénario “mérite d’être poursuivi, et pourquoi pas ici à Genève?”, a déclaré le conseiller fédéral dans son discours. Genève serait un lieu “naturel”, a estimé de son côté devant la presse le président du panel du haut niveau qui a rendu son rapport final jeudi, l’ancien chef de l’Etat slovène Danilo Türk.

En attendant, M. Burkhalter a annoncé la signature d’un accord avec l’Université de Genève pour prolonger et étendre les activités du “Pôle Eau Genève”, qui fonctionnait comme secrétariat de ce panel. Le Pôle ne sera pas le futur Observatoire mais pourrait constituer l’un des composants centraux avec d’autres institutions, a expliqué à l’ats son directeur François Münger.

Plusieurs dizaines de pays au total

La question de l’eau devient “un défi mondial pour notre génération et les futures”, a souligné le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette ressource est utilisée comme “une arme de guerre” et elle sera de plus en demandée avec l’urbanisation et le changement climatique.

Mais M. Burkhalter voit aussi un “fort potentiel” d’en faire un “instrument de coopération”. Il en fait même une “priorité” de la politique étrangère suisse qui a déjà lancé une initiative récemment en Asie centrale.

Lors du lancement de la commission il y a deux ans par quinze pays, il n’avait pas caché sa volonté de faire de Genève “un centre international pour la diplomatie de l’eau”. Désormais, 40 pays soutiennent le panel. Outre l’accueil de la première des quatre réunions du panel de haut niveau, la Suisse a financé un secrétariat à Genève en soutien à ces activités.

Financement durable

Une participation suisse était également garantie dans la commission, avec la présence de la professeure à l’Université de Genève Laurence Boisson de Chazournes. Selon M. Türk, l'”Observatoire” devrait contribuer à la “coordination” de tous les acteurs en matière de diplomatie de l’eau. Pour la prévention des tensions mais aussi la facilitation de médiations.

M. Türk déplore le manque de coopération bilatérale entre Etats dans les bassins hydrographiques où celle-ci serait la plus utile.

Les besoins en eau pour l’agriculture vont augmenter de 50% dans les 25 prochaines années. L’eau douce ne constitue que 2,53% de celle qui se trouve dans le monde. Et deux tiers de cette eau sont gelés. Par ailleurs, plus de 90% de l’eau douce est souterraine.

Selon M. Türk, les deux Conventions de l’ONU liées aux cours d’eau et aux lacs offrent une “bonne plate-forme”. Mais celle-ci doit être complétée par d’autres mesures comme un système mondial de récolte de données sur l’eau et des instruments financiers durables et innovants. Deux recommandations que la Suisse va défendre fortement, selon le chef de la diplomatie suisse.

Parmi les principales recommandations, le panel demande à l’Assemblée générale de l’ONU d’organiser une conférence mondiale sur la coopération internationale en matière d’eau. Cette réunion doit aboutir à un cadre et un plan d’action.

“Cessez-le-feu” pour l’eau

De son côté, le Conseil de sécurité est prié d’établir une résolution pour la protection des ressources aqueuses dans les conflits. Ce document devrait notamment reconnaître l’eau comme “instrument vital pour l’humanité” et encourager des “cessez-le-feu pour l’approvisionnement en eau”. “Le moment est venu” que l’organe exécutif de l’ONU se saisisse de cette question de l’eau, explique M. Burkhalter.

Les Etats doivent aussi contribuer. Le panel recommande qu’ils soutiennent des ONG comme l’Appel de Genève pour obtenir des engagements des acteurs non-étatiques. Ou qu’ils concluent des accords bilatéraux de gestion de l’eau.

D’autres institutions sont souhaitées comme une instance internationale indépendante de récolte de données et un mécanisme de surveillance du respect du droit international humanitaire (DIH). Ou encore un dispositif de réaction rapide dans les opérations de paix pour l’envoi de spécialistes militaires dans la reconstruction des infrastructures d’eau potable. Un moyen d’inciter les pays développés à davantage contribuer aux missions de la paix, affirme M. Türk.

Actuellement, trois milliards de personnes vivent dans des zones hydriques partagées entre plusieurs pays. D’ici 2050, le manque d’eau pourrait affecter un quart de la population.

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