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La Turquie “reste” un pays candidat à l’UE, assure Mogherini

Les ministres turcs des Affaires européennes et étrangères Omer Celik et Melvüt Cavusoglu avec la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le commissaire européen à l'Elargissement Johannes Hahn (gauche à droite) lors de la conférence de presse à Bruxelles. KEYSTONE/EPA/STEPHANIE LECOCQ sda-ats

(Keystone-ATS) La Turquie “reste” un pays candidat à l’adhésion à l’UE, malgré de fortes inquiétudes sur les droits de l’homme et l’Etat de droit, a affirmé mardi la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Mais de nouvelles négociations ne sont pas à l’ordre du jour.

La Haute représentante de l’UE et le commissaire européen à l’Elargissement Johannes Hahn, ont reçu mardi à Bruxelles les ministres turcs des Affaires étrangères et européennes, Mevlut Cavusoglu et Omer Celik dans le cadre du “dialogue politique à haut niveau” entre les deux parties.

Mme Mogherini a vanté l’importance de ces discussions “franches et constructives”. Elle reconnaît toutefois qu’il serait “difficile en ce moment d’ouvrir de nouveaux chapitres” dans le processus d’adhésion à l’UE. Les négociations, lancées en 2005, sont aujourd’hui au point mort.

Mais une majorité de pays européens ne souhaite pas pour l’heure franchir le pas d’une suspension formelle. Ils craignent de provoquer une rupture définitive avec un partenaire clé sur le dossier migratoire et dans la lutte antiterroriste.

Dégradation des rapports

Cette réunion s’est déroulée sur fond de vives tensions entre Ankara et Berlin, qui a annoncé jeudi une “réorientation” de sa politique vis-à-vis de la Turquie après l’interpellation à Istanbul de défenseurs des droits de l’homme, dont un Allemand.

La crise germano-turque s’inscrit elle-même dans un contexte de dégradation des rapports entre la Turquie et l’UE, en lien notamment avec la récente réforme constitutionnelle controversée du président turc Recep Tayyip Erdogan et les purges massives conduites dans le pays après le coup d’Etat manqué de juillet 2016.

“Nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir de la part de ceux qui, pendant les deux conflits mondiaux, ont commis réciproquement les massacres les plus impitoyables, les plus sanglants et les plus sauvages”, a tonné mardi matin M. Erdogan devant les députés du parti islamo-conservateur AKP, au pouvoir.

Le président turc a également exigé une relation basée sur “l’égalité” et le “respect des droits souverains”. Dans le cas contraire, a-t-il menacé, “vous aurez une réponse pour chaque acte irrespectueux que vous commettrez”.

Ligne rouge

Le secrétaire général d’Amnesty International, Salil Shetty, avait auparavant exhorté l’UE à “remettre à zéro” ses relations avec la Turquie si elle ne mettait pas fin à sa répression contre les défenseurs des droits de l’homme.

“Nous considérons que les arrestations du président (Taner Kiliç) et de la directrice d’Amnesty International (Idil Eser) représentent un changement radical dans la crise des droits de l’homme en Turquie”, a affirmé M. Shetty lors d’une manifestation devant le bâtiment du Conseil européen à Bruxelles.

“Il faut que l’UE dise clairement qu’ils (les dirigeants turcs) ont définitivement franchi une ligne rouge et que cela requiert une remise à zéro des relations avec l’UE”, a plaidé le secrétaire général d’Amnesty.

Selon M. Shetty, le coup d’Etat avorté de l’an dernier “est devenu une excuse pour enfermer quiconque pose une question ou démarre un débat”. “Au nom du peuple turc, au nom de l’Europe, la Turquie doit être remise dans le bon chemin et c’est le moment de le faire”, a-t-il estimé.

“Aucune différence”

Lors d’une conférence conjointe avec Mme Mogherini et le commissaire Hahn, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a estimé que “le fait d’être journaliste n’autorise pas à commettre des crimes”.

“Quels que soient ceux qui soutiennent activement la tentative de putsch ou ceux qui y ont participé, que ce soit un journaliste, un militaire, un policier ou un politique, cela ne fait aucune différence”, a argué M. Cavusoglu. Ce dernier a répété à plusieurs reprises qu’il ne s’agissait pas de s’en prendre à Amnesty International.

“Cela n’a rien à voir avec Amnesty International, mais avec une personne”, a-t-il déclaré à propos de Taner Kiliç, le président d’Amnesty en Turquie, interpellé en juin et accusé par Ankara d’être lié aux réseaux d’opposition gulénistes auxquels le gouvernement turc impute le putsch manqué de l’été dernier.

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