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La Turquie présente sa vision du putsch manqué de 2016

Ilhan Saygili, l'ambassadeur de Turquie en Suisse, a raconté à la presse sa propre expérience du putsch manqué du 15 juillet 2016. KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) Un an après le coup d’Etat raté du 15 juillet 2016, la Turquie s’estime toujours incomprise. L’ambassadeur de Turquie en Suisse a présenté vendredi à la presse la version officielle tout en esquivant les questions épineuses.

Le vice-premier ministre turc Numan Kurtulmus avait déjà résumé en préambule jeudi à Bruxelles la primauté de la démocratie dans cette affaire. “Le putsch est une menace existentielle pour la démocratie”, a répété 24 heures plus tard lors d’une conférence de presse parfaitement mise en scène à Berne l’ambassadeur en Suisse Ilhan Saygili, lisant la déclaration du gouvernement.

Il a ensuite projeté un film à l’intention de la presse. Images-choc à l’appui, le court-métrage résumait en neuf minutes les attaques des militaires dissidents et le soulèvement de la population turque pour “défendre son pays”. La voix off demande: “Te sauverais-tu toi ou ta nation?”

“Comment définir une attaque contre l’Etat si ce n’est du terrorisme?”, a demandé l’ambassadeur aux journalistes présents dans la résidence de l’ambassade. Le gouvernement turc a pris, selon ses dires, des mesures légitimes contre les partisans du prédicateur Fethullah Gülen, désigné comme l’instigateur du putsch par Ankara.

Taire les voix de l’opposition

L’opposition et des ONG accusent la Turquie de profiter de l’état d’urgence pour éliminer toute voix critique. Des procédures judiciaires ont déjà été engagées à l’encontre d’environ 169’000 personnes à travers le pays, selon des chiffres du ministère turc de la justice rapportés jeudi par l’agence de presse privée Dogan.

Selon ces données, un peu plus de 50’000 personnes sont actuellement incarcérées et 48’000 en liberté mais sous contrôle judiciaire. L’ambassadeur annonçait de son côté vendredi entre 60’000 et 70’000 prisonniers.

Un pays abandonné

Il n’existe aucune preuve que le putsch serait une mise en scène du gouvernement démocratiquement élu, a martelé vendredi à plusieurs reprises Ilhan Saygili. Lui-même en est parfaitement convaincu.

Il a dit regretter qu’aucun ministre étranger ne se soit déplacé en Turquie après le coup d’Etat. Critiqué par la communauté internationale, le pays s’est senti abandonné par ses alliés de l’OTAN. “Nous attendions plus de solidarité et d’empathie”, déplore-t-il.

Le diplomate a profité de saluer la réaction de la Suisse dans ce dossier. “La Turquie n’oubliera jamais que la Suisse nous a soutenu.” Il a toutefois insinué que les relations bilatérales n’ont pas toujours été faciles, se référant notamment aux apparitions annulées de politiciens turcs en mars avant le référendum.

Ces dernières semaines, de nouvelles visites et meetings des autorités turques ont été à nouveau interdits en Autriche, aux Pays-Bas et en Allemagne.

Plus de 500 demandes d’asile

Concernant les soupçons d’espionnage de Turcs en Suisse et les pressions sur les partisans de l’imam Gülen, Ilhan Saygili a répété ne pas avoir été informé par les autorités suisses. En tant qu’ambassadeur, il ne veut pas être mêlé au discours politique.

“Je ne peux pas confirmer que le vice-ambassadeur à Berne Volkan Karagöz a demandé l’asile à la Suisse.” Il a toutefois admis qu’il avait été licencié par décret présidentiel, suite à des soupçons de liens avec l’imam Gülen, mais qu’il ne se trouvait pas en Turquie.

Depuis la tentative de putsch, les autorités suisses ont reçu plus de 500 demandes d’asile de citoyens turcs, selon le Secrétariat d’Etat aux migrations, dont quelques diplomates. En mars, des journaux alémaniques affirmaient que M. Karagöz avait déposé une demande pour lui-même et sa famille.

Ecole fermée

Par ailleurs, l’ambassadeur est revenu sur le cas de l’école privée zurichoise inspirée en partie par la pensée de M. Gülen et qui avait été la cible de menaces l’été dernier. Il a indiqué qu’elle fermerait ses portes. “Les parents ont compris que cette organisation est dangereuse”, a affirmé M. Saygili.

Les menaces étaient liées à la traque internationale menée contre les partisans de M. Gülen, avait déclaré à l’ats le directeur de l’école. Mais “elles étaient exagérées, car notre établissement est suisse, neutre, laïc et suit le programme cantonal”, avait-il ajouté.

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