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La voix des pro-palestiniens peine à se faire entendre en Suisse

Depuis 2002, le Collectif Urgence Palestine descend tous les mois dans la rue à Genève pour demander une "Palestine libre" (archives). KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Entre division et pression, les mouvements de défense des droits des Palestiniens peinent à se faire entendre en Suisse. Ils militent pourtant sans relâche depuis quinze ans face à ce qu’ils considèrent comme “une injustice à corriger”.

Derrière une large banderole qui réclame “une Palestine libre” et d'”en finir avec le colonialisme d’Israël”, sept militants du Collectif urgence Palestine (CUP) sont réunis devant la fontaine au bas de la rue de la cité à Genève. Tous les premiers mardis du mois, ils sont fidèles au poste et durant une heure ils affichent leurs revendications.

“Il faut que quelqu’un soit là”, explique Rémy Viquerat, 46 ans, présent au début du CUP en 2002. “On espère faire changer quelque chose”, affirme-t-il. Mais après seize ans, la lassitude guette chez les militants.

Divisés

“La situation ne change pas”, regrette M. Viquerat. Le CUP a peu de moyens et repose uniquement sur des bénévoles. Petit à petit, leur action s’étiole. Pendant dix ans, le CUP a organisé des missions sur le terrain, et son rassemblement était à l’origine hebdomadaire.

Si pour ces militants, l’important reste de donner “une voix aux Palestiniens”, les différents groupes pro-palestiniens en Suisse n’ont jamais réussi à s’entendre sur une voix commune, alors que de nombreuses organisations existent sur tout le territoire. “Ce n’est pas par manque de volonté, mais ça ne s’est jamais fait”, explique sommairement M. Viquerat.

Rien que sur le bassin lémanique, il existe des Collectifs urgence Palestine à Genève, à Nyon et à Lausanne, mais les trois sont des entités distinctes. Ainsi, ces collectifs ont des moyens très limités et se contentent d’actions locales. Ponctuellement, ces mouvements arrivent à se rassembler au niveau national lorsque la situation devient tragique sur le terrain, notamment à Gaza.

Pas juste un hobby

Si l’impact de leur action semble très limité, M. Viquerat réfute l’idée que ce ne soit qu’un hobby, “ça va plus loin, il y a une injustice à corriger, c’est du militantisme”. Un militantisme qui “n’est plus ce qu’il a été”, regrette toutefois l’un des membres du CUP.

A Genève, les sept porteurs de banderole ont tous plus de 40 ans. Les jeunes ne se pressent pas au portillon, même s’ils s’engagent parfois sur des projets précis. Pas de Palestiniens non plus au sein du CUP Genève, dont les membres viennent principalement de Suisse et de France.

Un mouvement parvient toutefois à rassembler en Suisse. La plupart des organisations pro-palestiniennes font partie ou tout du moins soutiennent le mouvement BDS. Celui-ci demande “boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il applique le droit international et les principes universels des droits humains”.

Mouvement international

Depuis sa création, le mouvement “prend de l’ampleur dans le monde entier, et en Suisse également”, souligne Roman Vonwil, membre de BDS Suisse. Au contraire des collectifs locaux, BDS est un mouvement international. Ainsi en Suisse, le mouvement peut relayer des campagnes internationales ayant un impact plus large.

“En Suisse, les principaux thèmes sont le boycott consommateur, l’embargo militaire et le boycott culturel”, précise M. Vonwil. Sur la scène internationale, le mouvement connaît quelques succès, qui sont avant tout symboliques. Au niveau culturel, plusieurs artistes, dont récemment la chanteuse américaine Lana Del Rey, ont annulé des concerts en Israël.

Mais le mouvement est également sous pression. “Des lois et de mesures répressives” ont été prises “contre les activistes du BDS dans les pays européens et nord-américains”, regrette M. Vonwil. Une pression que ressentent certains défenseurs des droits de l’homme en Israël, même en Suisse.

“Je ne peux pas témoigner en mon nom”, explique un responsable du Proche-Orient dans une organisation de défense des droits de l’homme basée en Suisse. “Je me rends régulièrement dans la région et honnêtement, je préfère éviter les problèmes” à la frontière. Il ne veut ainsi pas être nommé dans la presse suisse.

M. Viquerat, lui, rappelle que les passages de frontière pour les militants du CUP ont parfois été tendus, surtout à la sortie, mais en dix ans, un seul d’entre eux s’est vu refuser l’entrée sur le territoire israélien.

Motion contre BDS

En Suisse, BDS a été visé par une motion du conseiller national Christian Imark (UDC/SO) en 2016 qui “remettait en question l’engagement des ONG et des organisations humanitaires en Israël et en Palestine et attribuait à BDS des actions antisémites et provocatrices”, explique Roman Vonwil. La motion a été rejetée au Parlement.

“Le mouvement est plus ou moins explicitement accusé d’antisémitisme”, regrette M. Vonwil qui rejette fermement de telles accusations. Mais il préfère mettre en avant des évolutions qu’il considère comme positives, notamment “le fait que des dizaines de villes espagnoles ont rejoint le mouvement BDS et la pression au parlement irlandais en faveur d’une interdiction d’importation de biens issus des colonies”.

A Genève, derrière la banderole du CUP, le doyen des militants constate que même si la situation ne s’est pas améliorée sur le terrain ses nombreuses années à militer n’ont pas été vaines: “Au début on était isolés, mais ça a beaucoup changé en 30 ans. Le public est de plus en plus en faveur des Palestiniens.”

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