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Le Brexit géologique: comment la Grand-Bretagne est devenue une île

Une période de lente érosion suivie d'une inondation cataclysmique, c'est ainsi que s'est passé le Brexit 1.0 il y a 450'000 ans, soit la formation de la Manche, vue ici du haut des falaises de craie de Douvres. KEYSTONE/AP/MATT DUNHAM sda-ats

(Keystone-ATS) Une chute d’eau large de dizaines de kilomètres a rompu une crête rocheuse qui reliait l’Angleterre au continent européen, déclenchant une inondation qui a creusé la Manche et créé l’île de la Grande-Bretagne. C’était le “Brexit 1.0”, il y a près de 500’000 ans.

Une équipe internationale de géologues a mené un véritable travail de détective pour parvenir à assembler les morceaux d’un puzzle qui occupe leur profession depuis plus d’un siècle.

Pour leur enquête, ils sont remontés à un âge glaciaire il y a 450’000 ans, lorsqu’une grande partie de l’hémisphère nord était couverte par une dalle glacée épaisse et que le niveau de la mer était nettement plus bas qu’aujourd’hui.

A l’époque, la Manche était à sec et selon les scientifiques, elle s’élevait vers une crête rocheuse crayeuse qui reliait la Grande-Bretagne et le continent au niveau de ce qui est désormais le détroit de Douvres.

Enorme lac

Dans un article publié dans la revue Nature Communications, les scientifiques suggèrent qu’un énorme lac, alimenté par des rivières continentales, s’est créé dans le sud de la Mer du Nord, entre le bord de la calotte glaciaire et cet escarpement rocheux présumé.

Le lac a commencé à déborder, passant au-dessus de la crête rocheuse, créant une chute d’eau d’environ 32 kilomètres de large et de 100 mètres de haut et se déversant dans la vallée en dessous.

La chute d’eau a érodé la crête du barrage. Celui-ci a fini par craquer et s’effondrer, provoquant une gigantesque inondation qui a creusé ce qui est devenu la Manche.

Brexit Acte 1

“La rupture de ce pont terrestre entre Douvres et Calais a été incontestablement un des événements les plus importants de l’histoire de la Grande-Bretagne, contribuant à façonner l’identité insulaire de la nation aujourd’hui encore”, déclare Sanjeev Gupta, géologue à l’Imperial College London, l’un des auteurs de l’article.

“Quand cet âge de glace a pris fin et que le niveau de la mer est monté, inondant le sol de la vallée pour de bon, la Grande-Bretagne a perdu son lien physique avec le continent”, dit le chercheur.

“Sans cet épisode dramatique, la Grande-Bretagne ferait encore partie de l’Europe. C’était le Brexit 1.0 – un Brexit pour lequel personne n’a voté”.

Nouveaux indices

L’hypothèse selon laquelle un lac glaciaire est à l’origine de la formation de la Manche a été avancée il y a déjà un siècle. L’étude apporte de nouveaux éléments en faveur de cette thèse.

L’un des principaux indices réside dans d’étranges trous géants découverts dans le lit de la Manche. Remplis de graviers et de sable, ils peuvent faire plusieurs kilomètres de diamètre et environ 100 mètres de profondeur.

Ils ont été trouvés par hasard dans les années 1960 et 1970 lorsque les ingénieurs foraient le fond de la mer pour préparer la construction du tunnel sous la Manche. Les sédiments dans ces trous étaient si meubles que les ingénieurs ont dû changer le tracé du tunnel pour les éviter.

Les scientifiques pensent que ces trous sont des bassins de plongée qui se forment sous les chutes d’eau. Ces trous peuvent devenir si gros que la falaise d’où tombent les chutes d’eau finit par devenir instable et s’effondrer.

Ligne droite

En utilisant un sonar et une technique permettant d’obtenir des informations sur les structures du sous-sol, les chercheurs ont découvert que sept de ces trous géants formaient une ligne droite remarquable, allant du port de Calais à celui de Douvres – le bord de la fameuse crête présumée. Ils ont également découvert des preuves d’une ancienne vallée géante sur le fond marin, signes d’une inondation massive.

Le “Brexit 1.0” s’est fait en deux temps. Il y a d’abord eu une rupture dans la barrière rocheuse puis un deuxième grand événement, plus tard, probablement causé par un déversement d’autres lacs plus petits, selon l’étude. Sans ce coup du sort géologique, la Grande-Bretagne serait restée attachée au continent, un peu comme le Danemark.

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