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Le cerveau déroule la conscience comme un film

(Keystone-ATS) Le cerveau n’informe pas l’être humain en permanence, mais à des intervalles de l’ordre de 400 millisecondes, entrecoupés d’espaces d’inconscience. La conscience aurait donc une certaine discontinuité, selon un modèle proposé par des chercheurs suisses et allemands.

La controverse dure depuis plusieurs siècles: la conscience est-elle un flux constant et ininterrompu, ou une série de petits blocs discontinus, comme les 24 images/seconde d’un film? Des scientifiques de l’EPFL et des universités d’Ulm (D) et de Zurich proposent dans la revue PLoS Biology un nouveau modèle suggérant que le cerveau, bien qu’actif, n’informe pas en permanence la personne.

La conscience semble agir de manière continue: images, sons, odeurs et sensations tactiles se suivent sans interruption. Nous avons ainsi une image continue du monde qui nous entoure, a indiqué l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) mardi dans un communiqué.

Trop simple pour être vraie

Une école de pensée affirme toutefois que notre cerveau recueille les informations sensorielles seulement pendant de brefs instants, comme une caméra prenant des instantanés. Il existe même un nombre croissant de preuves contre l’idée de conscience “continue”, note l’EPFL.

Néanmoins, il semble que la théorie “discontinue” soit trop simple pour être vraie. Michael Herzog à l’EPFL, en collaboration avec Frank Scharnowski à l’Université de Zurich, a passé en revue les données d’expériences psychologiques et comportementales déjà publiées visant à faire la lumière sur ces questions.

Il s’agit par exemple d’expériences où l’on montre à un sujet deux images en succession rapide, pour lui demander de distinguer la différence entre elles, tout en observant son activité cérébrale.

Deux phases pour traiter l’information

Le nouveau modèle proposé par les chercheurs suggère un traitement de l’information en deux phases. Le cerveau traite les détails spécifiques des objets, par exemple la couleur et la forme, et les analyse quasi continuellement et inconsciemment à une fréquence très élevée.

Toutefois, il n’y a pas de perception du temps pendant ce traitement inconscient. Même certaines caractéristiques temporelles, comme la durée ou le changement de couleurs, ne sont pas perçus.

Puis vient la phase consciente: le traitement inconscient est achevé. Le cerveau rend simultanément conscients tous les éléments. Cela forme l’image finale que le cerveau présente à notre conscience.

L’inconscient doit rester inconscient

L’ensemble du processus, du stimulus à la perception consciente, peut durer jusqu’à 400 millisecondes, ont calculé les scientifiques. D’un point de vue physiologique, cela constitue un décalage considérable.

“Le cerveau veut vous donner l’information la meilleure et la plus claire possible, et cela exige un certain temps”, explique Michael Herzog, du Laboratoire de psychophysique de la haute école lémanique. “Il n’y a aucun avantage à vous faire connaître son traitement inconscient, parce que cela serait extrêmement déconcertant”.

Le travail des chercheurs s’est concentré sur la perception visuelle, mais le décalage pourrait être différent pour une autre information sensorielle, par exemple auditive ou olfactive.

Ce modèle à deux phases offre une image plus complète de la manière dont le cerveau gère la conscience. Il permet ainsi de dépasser le traditionnel débat “continu contre discontinu”. Mais surtout, il ouvre des perspectives sur la manière dont le cerveau traite le temps et le met en relation avec notre perception du monde, conclut l’EPFL.

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