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Le Conseil des Etats adopte une réforme de la péréquation

L'enthousiasme n'était pas de mise chez les représentants de certains cantons, comme Claude Hêche (PS/JU), à droite, et Christian Levrat (PS/FR), lors du débat sur la péréquation financière (archives). KEYSTONE/ANTHONY ANEX sda-ats

(Keystone-ATS) La péréquation financière devrait répondre à de nouveaux mécanismes. Pour certains cantons “pauvres”, c’est la soupe à la grimace malgré les compensations prévues. Le Conseil des Etats a avalisé mardi le projet. Le National doit encore se prononcer.

Avec la réforme, les cantons “riches”, comme Genève, ne verseront plus autant aux cantons “pauvres”. Ils devraient économiser quelque 500 millions de francs.

Le projet, ficelé par la Conférence des gouvernements cantonaux, est un compromis historique, a affirmé Hannes Germann (UDC/SH) au nom de la commission, qualifiant la réforme d’équilibrée. Tous les cantons pauvres n’ont pas les mêmes intérêts, pas plus que tous les cantons riches, a relevé Peter Hegglin (PDC/ZG).

Soupe à la grimace

L’enthousiasme reste toutefois limité à Fribourg comme en Valais, a souligné Christian Levrat (PS/FR). Tout comme le Jura et Berne, ces cantons y perdront au change même avec les compensations prévues jusqu’en 2025. Ce projet va renforcer les inégalités, a critiqué Claude Hêche (PS/JU).

Raphaël Comte (PLR/NE) a quant à lui fait part de sa frustration de ne pas pouvoir toucher au compromis “sacré”. Mais, même si la soupe au lait de Kappel est un peu insipide, elle tient au corps, a-t-il commenté de guerre lasse. La réforme a été adoptée par 37 voix contre 3 et 4 abstentions.

Nouveau mécanisme

Plus question à l’avenir de débattre tous les quatre ans des sommes à allouer à la péréquation financière. Le Conseil fédéral fixera chaque année les versements dus aux cantons “pauvres”, soit ceux dont le potentiel de ressources est inférieur à la moyenne suisse.

L’objectif d’arriver à un minimum de 85% de la moyenne après péréquation sera revu. Il est déjà dépassé dans les faits: le canton le plus pauvre, le Jura, atteindra 88,2% en 2019. La réforme se fera par paliers sur trois ans pour arriver à 86,5% en 2022 (87,7% en 2020, 87,1% en 2021).

Tous les cantons dont le potentiel de ressources avant péréquation est inférieur à 70% de la moyenne atteindront exactement le nouvel objectif. Cela permettra d’atténuer la volatilité des versements. Outre le Jura, le Valais aurait aussi été concerné en 2019.

Part fixe

Un autre mécanisme devrait permettre d’améliorer l’effet incitatif pour les cantons au potentiel supérieur à 70%. Le Conseil fédéral propose en outre une nouvelle méthode de pondération de la fortune dans le calcul du potentiel de ressources afin de lisser les éventuelles fluctuations.

Enfin, la part que versent les cantons “riches” dans la péréquation des ressources sera fixe. Elle équivaudra aux deux tiers de la part de la Confédération, soit le minimum légal actuel. Cela alourdira la charge fédérale de quelque 20 millions, mais simplifiera le système.

Argent à distribuer

Les versements fédéraux prévus pour accompagner le changement ont été au centre des débats. Malgré les appels de cantons pauvres romands, la majorité n’a toutefois pas souhaité retoucher les propositions faites par le Conseil fédéral. Avec la réforme, la Confédération devrait économiser 280 millions de francs dès 2022.

La moitié de cette somme sera distribuée à la compensation des charges socio-démographiques, destinées aux centres urbains. Ce fond est considéré par beaucoup comme sous-doté actuellement. L’autre moitié ira aux cantons “pauvres” pour atténuer de manière transitoire les pertes liées au changement de système.

Le gouvernement a déjà prévu les sommes à verser les prochaines années. Le montant destiné à la compensation des charges socio-démographiques (361,8 millions actuellement) sera augmenté de 80 millions en 2021 et durablement de 140 millions dès 2022.

Les cantons ruraux font grise mine. Ils ont proposé en vain (34 voix contre 8) de limiter l’exercice à 2025 afin de réévaluer la nécessité de la mesure. Cette somme sera aussi versée à des cantons riches comme Genève ou Bâle-Ville, a critiqué Claude Hêche.

Coup de pouce aux pauvres

Le coup de pouce aux cantons “pauvres”, qui sera versé en fonction de leur nombre d’habitants, variera en fonction des années. Le Confédération devrait verser 80 millions, en 2021, 200 millions en 2022, 160 millions en 2023, 120 millions en 2024, et 80 millions en 2025. Un canton devenu “riche” entretemps n’y aura plus droit.

Certains auraient voulu affecter les versements aux cantons proportionnellement aux pertes liées à la réforme. Cela éviterait que Vaud en bénéficie outre mesure, ont relevé plusieurs orateurs. Là, encore vain. La proposition a été repoussée par 33 voix contre 10.

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