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Le Conseil des Etats refuse d’augmenter les délais de prescription

(Keystone-ATS) Les victimes de l’amiante devraient avoir un an pour faire valoir leur droit même si leur action en justice est prescrite. Le Conseil des Etats a accepté une disposition en ce sens. Il a par contre fermé la porte aux victimes d’autres dommages.

Le Conseil des Etats a adopté par 35 voix sans opposition la révision des délais de prescription. Le Conseil fédéral propose d’augmenter le délai absolu à 30 ans en cas de mort d’homme ou de lésions corporelles, jugeant les dix ans actuels pas suffisants pour détecter des dommages à long terme dus à une exposition dangereuse, comme les cancers dus à l’amiante.

Mais le National n’a pas suivi et limité le délai à 20 ans. Le Conseil des Etats a préféré le statut quo (délai de 10 ans) par 23 voix contre 21. La limite actuelle suffit, au-delà c’est donner de faux espoirs aux victimes, a argumenté avec succès Thomas Hefti (PLR/GL).

Lobbying fructueux

Une minorité de gauche alliée de quelques PDC aurait voulu prolonger le délai à 30 ans. “Les personnes lésées doivent avoir accès à un juge à partir du moment où elles ont connaissance du dommage”, a défendu Christian Levrat (PS/FR), dénonçant le lobbying intensif des entreprises potentiellement attaquables.

“On ne peut pas reprocher aux victimes de ne pas réagir tant qu’elles ne savent pas qu’elles sont victimes”, a remarqué Robert Cramer (Verts/GE), qualifiant la révision de “compromis inéquitable”.

Un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme a aussi changé la donne et le Parlement doit en tenir compte, a relevé en vain la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Strasbourg avait condamné la Suisse en 2014 en raison de la violation du droit des personnes concernées d’obtenir une décision judiciaire.

Lex amiante

Les sénateurs ont ajouté par 33 voix contre 8 une disposition transitoire spéciale pour les victimes de l’amiante. Sous certaines conditions, le nouveau droit de la prescription pourra s’appliquer rétroactivement.

Si une action en justice est déjà prescrite même selon le nouveau droit, ou si elle a définitivement été rejetée en raison de la prescription, la victime pourra faire valoir des droits pendant un an après l’entrée en vigueur de la révision de la loi.

Seule l’UDC a tenté en vain de s’y opposer. “Cette disposition mènera à une insécurité juridique, néfaste à l’économie”, a combattu Alex Kuprecht (UDC/SZ). Plus de 1600 personnes sont mortes de l’amiante, a rappelé Pirmin Bischof (PDC/SO).

Seules les victimes directes pourront se prévaloir de cette disposition spéciale. Cette dernière ne s’appliquera en outre pas si, au moment où est intentée l’action en dommages-intérêts ou en réparation morale, il existe un régime spécial approprié de règlement financier des dommages corporels causés par l’amiante.

Table ronde

Pour la Chambre des cantons, la nouvelle disposition ne doit en effet s’appliquer que de manière subsidiaire par rapport à un fonds d’indemnisation. Une table ronde, présidée par l’ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger, planche actuellement sur une solution pour aider financièrement les malades de l’amiante.

Par 25 voix contre 19, le Conseil des Etats a refusé d’uniformiser à dix ans le délai de prescription pour les créances contractuelles, qui vaut pour les loyers ou les salaires. La majorité de droite a décidé de suivre le National et conserver les cinq ans actuels.

Les sénateurs ont encore précisé que les prescriptions peuvent être empêchées ou suspendues tant qu’il est impossible de porter la créance devant un tribunal suisse. Le Conseil fédéral n’avait pas restreint ces actions à la Suisse.

Le dossier retourne au Conseil national.

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