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Le Conseil fédéral critiqué pour aller trop vite en besogne

Dans une procédure de consultation, le Conseil fédéral se voit reprocher de ne pas attendre une décision de justice concernant la sécurité de la centrale nucléaire de Beznau en cas de tremblement de terre (archives). KEYSTONE/ENNIO LEANZA sda-ats

(Keystone-ATS) Des organisations anti-nucléaires, des partis et des cantons critiquent le Conseil fédéral dans sa volonté de vouloir modifier des ordonnances sans attendre le résultat d’une procédure judiciaire concernant la centrale de Beznau. La sécurité soulève des craintes.

Les opposants au projet reprochent au gouvernement une certaine complaisance à l’égard de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire et de l’électricien Axpo.

Le Conseil fédéral a mis en consultation en janvier jusqu’à mardi les ordonnances sur l’énergie nucléaire, sur la responsabilité civile en matière nucléaire, sur la méthode et les standards de vérification des critères de la mise hors service provisoire d’une centrale nucléaire, et sur les hypothèses de risque ainsi que l’évaluation de la protection contre les défaillances dans les installations nucléaires.

Le but de ces adaptations est de réglementer de façon plus claire l’analyse des défaillances et la mise hors service provisoire de centrales nucléaires ainsi que le stockage pour décroissance de déchets radioactifs provenant d’installations nucléaires.

La révision de l’ordonnance sur l’énergie nucléaire a pour objectif de modifier une disposition existante peu claire, de façon à éviter toute erreur d’interprétation. Son nouveau libellé correspond à la pratique actuelle de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) en matière d’analyse des défaillances des centrales nucléaires. Elle est par ailleurs conforme aux exigences internationales, d’après le gouvernement.

Swissnuclear, la Fédération des exploitants de centrales, salue le projet qui permet d’augmenter la sécurité juridique. Les précisions qu’il apporte correspondent aux intentions du législateur ainsi qu’à la pratique établie en matière de contrôle, écrit-elle.

On joue avec la sécurité

A contrario, Greenpeace, la Fondation suisse de l’énergie et l’Association trinationale de protection nucléaire qui soutiennent les riverains de la centrale de Beznau dans une procédure judiciaire en cours, reprochent au gouvernement de permettre, par une révision d’ordonnance, de “corriger”, avant l’arrêt d’un tribunal, les dispositions à la base de cette procédure.

Si celle-ci aboutissait, elle conduirait à la fermeture de la centrale de Beznau, dès lors que l’IFSN applique de façon erronée les dispositions légales en matière de protection contre les séismes. Pour éviter cela, le Département de Doris Leuthard préfère augmenter d’un facteur 100 la dose radioactive à laquelle la population pourrait être soumise, affirment les trois organisations.

Et ces dernières d’ajouter que “les conséquences de cette Lex Beznau sont graves, car elles constituent une coupe rase dans les prescriptions de sécurité”. D’un point de vue technique, c’est un retour de la sûreté nucléaire dans les années 60, d’après le conseiller technique des recourants cité par les trois organisations.

Cantons sur la même longueur d’onde

Les cantons, voisins, de Berne et Bâle-Ville s’inquiètent également de la baisse du niveau de sécurité que cette révision d’ordonnance risque de provoquer. Berne, qui héberge la centrale de Mühleberg, estime lui aussi que le Conseil fédéral va plus vite que la musique en n’attendant pas la décision du Tribunal administratif fédéral sur Beznau.

Ce n’est qu’après qu’il sera possible d’interpréter les valeurs actuelles sous une forme juridique précise. Quant au canton de Fribourg, qui a également répondu à la procédure de consultation, il émet des réserves sur les valeurs à prendre en considération pour la dose maximale, dès lors que la pratique actuelle n’est pas clairement explicitée.

Canton hôte de celle de Beznau et d’autres centrales, Argovie s’en réfère en revanche à la compétence de la Confédération en matière de réglementation de l’énergie atomique. Lui-même n’a pas les moyens de juger de la sécurité des installations et s’en remet donc au jugement de l’IFSN.

Seul le PLR soutient

Au niveau des partis, les Verts, les Vert’libéraux et l’UDC expriment eux aussi leur malaise face à une modification d’ordonnance avant que ne tombe le jugement du tribunal sur le cas de Beznau. Ainsi le Conseil fédéral veut adapter une ordonnance afin de “pouvoir continuer d’exploiter cette vieille malade qu’est la centrale de Beznau, une décision qui contrevient de plus au principe de la séparation des pouvoirs”, renchérissent les Verts.

Pour les Vert’libéraux, le comportement du gouvernement est carrément “inconvenant”. L’UDC aurait elle souhaité que la révision soit faite plus tôt. Il aurait ainsi été relativement plus simple de contredire les arguments des riverains plaignants. En 2012 déjà, la Commission pour la sécurité nucléaire avait rendu attentif à la nécessité de clarification juridique.

Seule voix contraire pour l’heure, celle du PLR pour lequel une procédure juridique pendante n’est pas une raison pour retarder une adaptation nécessaire d’ordonnances. Ce qui est en l’occurrence le cas puisque la révision apporte une sécurité du droit par des clarifications de formules alambiquées.

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