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Le gobelet campaniforme, témoin de l’unité européenne préhistorique

Objets campaniformes de la nécropole du Petit-Chasseur à Sion: gobelets, pointes de flèches en silex et en cristal de roche, parure en argent, polissoir, pendeloque, brassard d’archer, bouton perforé en V. UNIGE sda-ats

(Keystone-ATS) Une vaste étude internationale avec participation genevoise s’est penchée sur le profil génétique de la population européenne du troisième millénaire avant notre ère. Elle éclaire la diffusion du gobelet en céramique campaniforme sur l’ensemble du Vieux-Continent.

La présence du Campaniforme, ce gobelet en forme de cloche renversée et décoré de motifs géométriques, dans l’ensemble de l’Europe occidentale et en Afrique du Nord souligne les contours d’un espace relié culturellement. Il a même donné son nom à cette période de l’histoire humaine.

Mais on ignorait comment cet objet a pu être fabriqué et utilisé sur un si vaste territoire, entre 2800 et 1800 avant J.-C., a indiqué mercredi l’Université de Genève (UNIGE).

“Il y a évidemment plusieurs facteurs concernés et son origine est multiple. Celle-ci peut être due au transfert de l’idée de ce gobelet de proche en proche ou par des mouvements de populations, par exemple”, relève la professeure Marie Besse, directrice du Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie, citée dans le communiqué.

Afin d’apporter un nouvel éclairage sur cette question, une étude internationale, dirigée par l’Université de Harvard (USA), s’est penchée sur le profil génétique d’ossements datant du Campaniforme. L’objectif: observer les variations d’ADN permettant de déceler les éventuels mouvements de population qui pourraient être à l’origine de la présence du gobelet partout en Europe et en Afrique du nord.

“Le but de cette recherche était d’être certain que les squelettes étudiés dataient bel et bien du Campaniforme, et non du Néolithique final”, précise Marie Besse. “Il fallait donc que l’association entre les ossements et la présence de la céramique soit fiable à 100%, d’où notamment le recours au laboratoire de l’UNIGE, spécialiste de cette période”.

Brassage ethnique

Le profil génétique de 226 squelettes campaniformes provenant de 136 sites dans 12 pays différents (dont la Suisse, sur le site du Petit-Chasseur à Sion) a été effectué.

Dans la péninsule Ibérique et le sud de la France, les scientifiques ont observé une continuité de l’ADN entre les individus pré-campaniformes et campaniformes, indiquant l’absence de grands mouvements de population, sources de renouvellement génétique. Ce constat indique ainsi que la présence du Campaniforme est due à une assimilation d’idées de personnes vivant déjà sur ce territoire.

En Grande-Bretagne au contraire, les chercheurs ont constaté une rupture et un renouvellement d’ADN provenant d’Europe Centrale. En effet, dès 2450 avant J.-C., près de 90% de la population indigène aurait été remplacée en quelques siècles par des individus venus d’outre-Manche. Le gobelet serait ainsi une résultante de grands mouvements de populations venues s’installer en Grande-Bretagne.

Une volonté d’unité

Cette étude, publiée dans la revue Nature, apporte un nouvel élément dans la compréhension du Campaniforme et soutient les recherches archéologiques fondées sur l’étude de l’architecture, des rites funéraires, de l’alimentation ou de l’outillage.

Grâce à la cartographie de l’ADN des ossements humains, les scientifiques ont aujourd’hui à disposition un élément fiable des mouvements des populations durant cette période.

“Mais tout l’intérêt du Campaniforme réside dans l’attestation d’une unité européenne, d’une volonté d’appartenir à un même réseau en fabriquant une poterie semblable”, conclut Marie Besse.

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