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Le Guatemala désabusé avant un scrutin marqué par la corruption

(Keystone-ATS) Les Guatémaltèques paraissaient samedi désabusés à la veille des élections générales. Le scrutin est rejeté par une partie de la population excédée par la corruption, avec un ex-président en garde à vue.

Dans l’après-midi, plusieurs centaines d’entre eux protestaient sur la place centrale de la capitale, Ciudad de Guatemala, ayant fabriqué une pierre tombale pour dénoncer “un processus électoral mort-né”. Ce sont “des élections imposées, immorales, illégales et illégitimes”, avait déclaré plus tôt Isabel Juarez, 45 ans, membre du collectif “Un autre Guatemala, maintenant”.

A quelques heures d’un vote dont le report a été refusé par le Tribunal suprême électoral (TSE), la manifestation était bien plus modeste que celles réalisées chaque semaine depuis avril, qui ont réuni jusqu’à 100’000 personnes le 27 août.

“Maintenant, nous exigeons des réformes, tout de suite! Cela ne fait que commencer”, disait l’une des pancartes. Deux nouvelles manifestations sont convoquées samedi soir et dimanche matin.

Crédit perdu

Le pays centraméricain vient de vivre une semaine rocambolesque: mardi, le président conservateur Otto Pérez, accusé de diriger un réseau de corruption au sein des douanes, perdait son immunité, pour la première fois dans l’histoire du Guatemala. Mercredi, il remettait sa démission, réclamée depuis des mois par les manifestants.

Jeudi soir, l’ex-général de 64 ans passait sa première nuit en prison, en garde à vue, où il restera jusqu’à mardi quand reprendra son audition. Si ces différentes étapes ont été accueillies par une véritable joie populaire, de plus en plus de voix critiquent le maintien des élections, exigeant une refonte du système politique pour le purger de la corruption endémique.

Dimanche, 7,5 des 15,8 millions d’habitants sont appelés à désigner un nouveau président, 158 députés et 338 maires. “Les élections ont perdu tout leur crédit, elles n’ont plus de légitimité”, affirme la militante indigène Rigoberta Menchu, 56 ans, prix Nobel de la Paix 1992, appelant toutefois à voter car “il n’y a pas d’alternative”.

Appel à voter

Alors que le mouvement de protestation a été largement porté par les moins de 30 ans – un tiers de l’électorat -, les analystes redoutent une forte abstention, malgré une participation frôlant les 70% au premier tour en 2011.

“Celui qui vote aura toujours plus de droit et de force pour se plaindre si les promesses ne sont pas tenues”, a appelé sur Twitter le président par interim Alejandro Maldonado, qui occupera ce poste jusqu’au 14 janvier.

Sur les 14 candidats à la présidentielle, trois se détachent du lot: l’humoriste Jimmy Morales, candidat de droite sans expérience politique, crédité de 25% des suffrages dans un sondage publié jeudi, suivi de Manuel Baldizon (droite, 22,9%) et de la social-démocrate Sandra Torres, ex-Première dame (18,4%).

“Très surveillé”

“Je suis le seul candidat qui aujourd’hui n’est pas signalé pour ses liens avec des actes de corruption”, a revendiqué Jimmy Morales, 46 ans, dans un entretien à l’AFP, promettant une politique de “portes ouvertes comme garantie de la transparence”.

Mêmes paroles de bonne volonté chez Sandra Torres, qui a assuré samedi que “l’un des grands défis et objectifs de (son) programme de gouvernement est une lutte implacable contre la corruption”. Mais le vainqueur, désigné à l’issue du second tour le 25 octobre, aura fort à faire.

“Celui qui va arriver au pouvoir, quel qu’il soit, sera très surveillé”, prévient Alvaro Montenegro, étudiant de 27 ans faisant partie des organisateurs des premières manifestations, en avril. “Maintenant, quel que soit le vainqueur, le Guatemala a montré qui a le pouvoir et c’est nous”, la population, assurait samedi Elvis Batz, professeur participant à protestation.

Violences possibles

Selon Manfredo Marroquin, directeur de l’ONG Accion Ciudadana, branche locale de l’organisation anticorruption Transparency International, la frustration populaire “pourrait très facilement dégénérer en violence” dimanche, dans ce pays majoritairement pauvre et miné par le crime organisé.

Vendredi soir, des affrontements entre sympathisants de différents partis ont fait un mort à Santa Barbara (sud), selon les autorités, qui ont arrêté 26 personnes. La vente d’alcool a été interdite samedi à partir de la mi-journée et 35’000 policiers encadreront le processus électoral.

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