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Le National refuse d’exiger de nouveaux efforts des banquiers

(Keystone-ATS) Les banquiers ne devraient pas être obligés de jouer les gendarmes avec leurs clients étrangers pour débusquer d’éventuels fraudeurs du fisc. Le National a bloqué mardi un projet du Conseil fédéral en ce sens. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

La Chambre du peuple a tranché par 126 voix contre 56. Les sénateurs pourraient porter le coup de grâce à cette révision de la loi sur le blanchiment d’argent en refusant aussi d’entrer en matière. Dans le cas contraire, un deuxième refus de la Chambre du peuple serait définitif.

Programme revu à la baisse

Le gouvernement avait pourtant revu ses ambitions à la baisse. Son projet initial voulait obliger les banquiers à vérifier que tous leurs clients étrangers sont en règle avec le fisc de leur pays.

Après le tollé déclenché auprès des banques et de la droite, il l’avait gelé en 2013, en annonçant vouloir miser sur le passage à l’échange automatique de renseignements. Un pas franchi par le National la semaine dernière.

Dans sa nouvelle mouture, la révision de loi fait l’impasse sur les clients américains et ceux résidant dans des pays avec lesquels sera pratiqué l’échange automatique de renseignements. Dans ces cas, les banquiers n’auraient pas à se soucier d’évasion fiscale.

Pour les autres clients, ils devraient procéder à un examen basé sur les risques, selon le principe de l’autorégulation. Un nouveau client devrait être refusé en cas de soupçon et un ancien se mettre en règle dans un délai raisonnable sous peine de voir son compte fermé. Les détails ne devraient pas être réglés dans la loi.

Le débat est incontournable. Citations de représentants de la place financière à l’appui, la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf a affirmé que les banques suisses avaient un intérêt à ces efforts de conformité.

Pas à jouer la police

Cela va toutefois encore trop loin pour la droite, qui craint que le projet ne privilégie la concurrence internationale. Les banques ne sont pas le bras armé du fisc, a lancé au nom de la commission Jean-François Rime (UDC/FR). Pis, cela représente pour elles une charge administrative énorme.

Ce qui est demandé aux banques nécessitera pour elle d’avoir des spécialistes connaissant dans le détail la fiscalité des pays de leurs clients. Or, il existe plus de 180 Etats dans le monde, a fait valoir le Fribourgeois.

La Suisse n’a pas à faire de l’excès de zèle. Il n’existe d’ailleurs pas la moindre pression internationale pour qu’elle agisse en ce sens, a ajouté Andrea Caroni (PLR/AR). Et de noter que l’étau helvétique s’était déjà passablement resserré (échange automatique, reprises de normes internationales, durcissement de la lutte contre le blanchiment).

Prendre les devants

Seuls la gauche et quelques députés bourgeois ont jugé nécessaire de légiférer. Berne n’a certes pas le couteau sous la gorge, mais il y a encore des zones sensibles dans le monde concernant l’argent non déclaré au fisc, a répliqué Ada Marra (PS/VD). Il ne serait pas étonnant que la communauté internationale serre la vis, selon Louis Schelbert (Verts/LU).

Il ne faut pas sous-estimer la portée d’une lacune dans la stratégie visant une place financière propre, a ajouté Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL). L’UBS et les banques cantonales bâloise et zurichoise en ont fait l’expérience avec les Etats-Unis.

Il est donc nécessaire que l’on s’assure que l’argent venant de pays avec lesquels il n’y aura pas d’échange automatique des données n’échappe pas à l’impôt. Selon la socialiste, une banque qui travaille correctement n’a pas à avoir peur des nouvelles prescriptions.

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