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Le procès d’un ex-infirmier d’Auschwitz s’enlise loin des faits

Hubert Zafke, 95 ans, ici en chaise roulante, doit être jugé pour "complicité" dans l'extermination d'au moins 3681 juifs gazés à Auschwitz. KEYSTONE/EPA DPA/STEFAN SAUER sda-ats

(Keystone-ATS) “Farce”, “mascarade”, “spectacle indigne”: les invectives fusent depuis des mois autour du procès de Hubert Zafke, ex-infirmier âgé de 95 ans du camp de concentration d’Auschwitz. Son procès s’est enlisé lundi en Allemagne sans aborder les faits.

L’ancien SS répond depuis le 29 février de “complicité” dans l’extermination d’au moins 3681 juifs gazés dès leur arrivée dans le camp emblématique de la Shoah, entre le 15 août et le 14 septembre 1944. Mais la procédure tient à un fil et le fond du dossier n’a jamais été abordé.

Dans une ambiance glaciale, un feu roulant de requêtes visant le président du tribunal, Klaus Kabisch a monopolisé les débats. A peine annoncé le rejet d’une première demande de récusation formulée la semaine dernière par l’une des parties civiles, le parquet a à son tour accusé de “partialité” le magistrat, avant que d’autres parties civiles ne lui emboîtent le pas.

Audience suspendue

Sans un commentaire et après moins de deux heures de débat, le juge a suspendu l’audience sans fixer de rendez-vous ultérieur, précisant seulement que l’examen des diverses requêtes pourrait prendre “trois semaines”.

Calé dans une chaise roulante, Hubert Zafke a assisté sans mot dire à la cinquième journée d’audience à Neubrandenbourg (nord-est) aux côtés de l’un de ses fils, alors que les trois autres prenaient place dans la salle. Seuls une vingtaine de spectateurs se sont déplacés, dix fois moins que lors des précédents procès d’anciens nazis.

Hubert Zafke est le quatrième accusé d’une vague de procès tardifs du nazisme, après John Demjanjuk (2011), Oskar Gröning (2015) et Reinhold Hanning en mai dernier, tous condamnés dans une ambiance solennelle face à des salles combles.

Nombreuses contre-expertises

A Neubrandenbourg, petite ville d’ex-RDA cernée par des lacs, l’audience a d’emblée livré un visage différent, celui d’une guérilla opposant le juge aux parties civiles et au parquet. Ces derniers reprochent notamment au juge de remettre sans cesse la santé de l’accusé sur le tapis en multipliant les contre-expertises.

Septante ans après la Seconde Guerre mondiale, l’âge avancé des suspects a fait échouer nombre de procédures. Un ex-gardien d’Auschwitz est mort une semaine avant son procès en avril, alors qu’une ancienne télégraphiste du même camp a été jugée récemment inapte à comparaître. Mais jamais la question n’avait empoisonné à ce point une audience, et personne ne sait si le tribunal examinera un jour les charges pesant sur Hubert Zafke.

Engagé à 19 ans dans la Waffen SS, Hubert Zafke a combattu sur le front de l’Est, suivi une brève formation au camp de Dachau et servi à Neuengamme et Auschwitz, auprès des médecins chargés de “sélectionner” les déportés envoyés à la mort. Sur la période visée par l’accusation, 14 convois de déportés sont arrivés à Auschwitz. Dans l’un d’eux se trouvaientt Anne Frank, auteur du célèbre journal, ses parents et sa soeur aînée.

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