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Le projet d’ouverture du marché ne convainc pas en l’état

L'ouverture du marché du gaz pour les industriels est encore jugée inaboutie, selon les avis exprimés en consultation (archives). KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) Le Conseil fédéral peut revoir son projet de loi sur l’approvisionnement en gaz. Certains milieux plaident pour que l’ouverture du marché ne soit réservée qu’aux très gros clients. D’autres demandent que tout le monde puisse y avoir accès.

Tout le monde est d’accord pour réglementer l’approvisionnement du gaz dans une loi distincte. L’ouverture partielle du marché voulue par le gouvernement est saluée, mais le seuil proposé pour y accéder divise les esprits, selon la consultation qui s’est close vendredi.

Le Conseil fédéral propose que seuls les clients industriels dont la consommation atteint au moins 100 mégawattheure bénéficient du libre marché. Cela concernerait 10% des consommateurs, soit environ 40’000. Il s’agit du même seuil que celui qui s’applique actuellement à l’électricité.

Ce parallélisme est délibérément voulu par le Conseil fédéral. L’ouverture partielle permettrait aux communes de planifier la restructuration de leur approvisionnement en gaz. Car avec l’abandon des énergies fossiles, il faudra compter avec des démantèlements d’infrastructures.

Faux raisonnement

Cette stratégie calquée sur la loi sur l’approvisionnement en électricité est fausse, critiquent bon nombre de milieux consultés. Elle conduit à une réglementation de fait inexacte et induit une inégalité de traitement.

Les propriétaires de maison individuelle ne pourront pas choisir librement leur fournisseur de gaz, contrairement aux propriétaires d’immeubles comprenant entre trois et six logements, illustre Swisspower, alliance de 21 services industriels suisses.

Pour les milieux de l’industrie du gaz, le seuil ouvrant la voie au marché libre devrait être dix fois plus élevé que ce que propose le gouvernement, à 1 GWh. Ainsi, seuls les très gros clients industriels y auraient accès.

Avec une telle limite, les coûts finaux seraient bien plus faibles grâce à des économies sur les procédures de changement et sur les installations techniques nécessaires, explique l’Association suisse de l’industrie gazière (ASIG).

Contrairement à l’électricité, il n’existe pas pour le gaz de mandat d’approvisionnement de base et le gaz est en concurrence avec d’autres sources d’énergie. Or les marchés de l’électricité et du gaz se différencient considérablement en termes de consommation, notamment dans le secteur du bâtiment.

La Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie, globalement favorable au projet, estime qu’une limite à 300 MWh serait sensée. L’Association des entreprises électriques (ASE) ne donne pas de préférence sur le degré d’ouverture du marché, tout en considérant les 100 MWh peu pertinents.

Ouverture complète

D’autres acteurs souhaitent une ouverture complète du marché gazier, soit le libre choix du fournisseur pour tout le monde. Parmi eux figurent le groupe énergétique Axpo, l’Union suisse des paysans (USP), l’UDC, le PLR et le PDC. Une telle ouverture dynamiserait l’innovation et augmenterait la demande en gaz renouvelables.

Le projet fait aussi grincer des dents, car il risque d’entraîner une surréglementation pour la majorité des clients qui ne pourront pas profiter du libre marché. La classe moyenne en ressortira perdante, avertit l’UDC. Swisspower et les acteurs du secteur demandent au Conseil fédéral de ne pas réglementer les prix pour ces petits consommateurs.

Le projet de loi contient aussi des objectifs de politique climatique. Les Verts saluent l’ouverture partielle du marché, car elle permettra de promouvoir la décarbonisation de ce secteur. Et elle contribuera à maintenir la compétitivité du gaz. Mais pour la droite, la loi devrait se contenter de réguler le marché et laisser la protection du climat dans la loi sur le CO2.

Pour les Verts, la nouvelle loi doit être basée sur l’objectif zéro net émission si la Suisse veut atteindre ses objectifs climatiques. Or, avec la libéralisation, il existe un risque que ces objectifs ne soient pas atteints. L’USP regrette enfin que le texte ne mentionne pas explicitement la promotion du biogaz.

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