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Le Sénat argentin rejette la légalisation de l’avortement

Le vote a été accueilli par des feux d'artifice et des cris de joie parmi les militants anti-IVG. Des familles et des membres du clergé en bandanas bleu pâle s'étaient rassemblés devant le bâtiment du Parlement, brandissant des drapeaux argentins pour soutenir l'Eglise catholique. KEYSTONE/AP/LUISA BALAGUER sda-ats

(Keystone-ATS) Les sénateurs argentins ont rejeté jeudi la légalisation de l’avortement dans le pays du pape François. Les élus ont ainsi mis un terme aux espoirs des organisations féministes, alors que le projet de loi avait été approuvé par les députés en juin.

Le projet de loi a été rejeté par le Sénat par 38 voix contre 31. Le texte introduisait un droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse. La loi argentine n’autorise que les avortements en cas de viol ou si la santé de la mère est menacée. Le 14 juin, à la chambre des députés le texte avait été adopté de justesse par 129 voix pour, et 125 contre.

Bandanas bleus contre verts

Le vote a été accueilli par des feux d’artifice et des cris de joie parmi les militants anti-IVG. Des familles et des membres du clergé en bandanas bleu pâle s’étaient rassemblés devant le bâtiment du Parlement, brandissant des drapeaux argentins pour soutenir l’Eglise catholique, qui est contre l’avortement, dans le pays de naissance du pape François.

“Ce vote a montré que l’Argentine est toujours un pays qui représente les valeurs de la famille”, déclare Victoria Osuna, une militante anti-avortement de 32 ans.

Les défenseurs du droit à l’avortement, arborant eux des bandanas verts devenus symboles de leur mouvement, ont envahi les rues de la capitale jusqu’au bout, malgré la pluie et le vent. Ils ont dansé au son des tambours. Beaucoup campaient devant le Parlement depuis mercredi soir.

“Je reste optimiste. Ça n’a pas été voté aujourd’hui, mais ce sera voté demain (…)”, commente Natalia Carol, 23 ans, qui soutien le droit à l’avortement. “Ce n’est pas fini.”

Ces deux dernières années, les mouvements féministes avaient donné un élan considérable à la revendication du droit à l’avortement en Argentine, conduisant le président argentin de centre-droit Mauricio Macri à ouvrir le débat au parlement, pour la première fois de l’histoire du pays sud-américain. Il est pourtant opposé à l’IVG.

17 heures de débat

Le Sénat est plus conservateur que la chambre des députés, car chacune des 24 provinces dispose de trois représentants quel que soit son poids démographique. La capitale et la province de Buenos Aires, plus favorables à l’IVG, y sont sous-représentées alors qu’elles abritent plus du tiers de la population du pays.

Le débat parlementaire a duré plus de 17 heures, de mercredi 09h30 jusqu’au vote jeudi peu avant 03h00 (08h00 en Suisse). Le “non” l’ayant emporté, il faudra probablement attendre 2020 avant que la question de l’avortement puisse de nouveau être examinée par le parlement.

Pas de référendum

Le député de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons) Daniel el Lipovetzky, a évoqué la possibilité de convoquer un référendum. “Quand les députés pensent d’une manière et les sénateurs d’une autre. Cela mérite peut-être un système de démocratie directe. C’est possible qu’on le propose”.

Une éventualité balayée par le gouvernement. “Nous ne pensons pas qu’une consultation populaire soit une option. Le choix s’est porté sur un débat parlementaire”, a déclaré le chef du gouvernement Marcos Peña, promoteur de l’IVG, alors que la majorité de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons) était contre.

M. Peña a rappelé que le 21 août l’exécutif allait envoyer au parlement une réforme du code pénal. Il n’a pas donné de précisions, mais ce sera probablement l’occasion de dépénaliser l’avortement, car il existe un consensus sur ce point. Aujourd’hui en Argentine, une femme qui avorte court le risque d’être emprisonnée.

Le président argentin de centre-droit, Mauricio Macri, a lui célébré “un débat parlementaire mûr” et annoncé un plan pour renforcer l’éducation sexuelle dans les écoles, qui est théoriquement obligatoire depuis une dizaine d’années, mais qui n’est pas appliquée.

D’après les estimations, 500’000 avortements sont pratiqués chaque année en Argentine, dans des cliniques privées ou dans des conditions d’hygiène très précaires selon la situation économique.

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