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Les banques suisses boudent la place financière du Liechtenstein

Les établissements helvétiques boudent la principauté (archives). KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) La place financière du Liechtenstein partage à la fois un espace économique avec la Suisse et un avec l’Union européenne (UE). Si la Principauté offre aux banques suisses une plateforme d’accès au marché unique, celles-ci ne se bousculent pas au portillon.

Que la Suisse doive ou non au Liechtenstein son inscription sur la “liste grise” des paradis fiscaux de l’UE ne devrait pas bouleverser les relations entre les deux places financières. Car même sans cet épisode, les banques helvétiques boudent le petit pays limitrophe.

Liées depuis 1923 par un traité d’union douanière et depuis 1924 par le franc, les économies de la Suisse et du Liechtenstein, tous deux membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), sont certes fort imbriquées. L’adhésion du second à l’Espace Economique Européen (EEE) en 1995 a quelque peu changé la donne.

“Avant l’EEE, le Liechtenstein était quasi considéré comme un canton”, explique Simon Tribelhorn, directeur de l’Association des banques du Liechtenstein. Après, le pays “a dû faire son propre chemin”, avec à la clé, un alignement de ses lois sur Bruxelles.

Pas de facilités

“La Suisse revêt une importance existentielle pour le Liechtenstein, comparable à celle de l’UE pour la Confédération helvétique”, souligne M. Tribelhorn, conscient que l’importance n’est pas réciproque. Citoyen suisse lui-même, il compte au nombre des quelque 9000 pendulaires au passeport à la croix blanche qui travaillent dans ce pays voisin fort de 37’000 habitants.

La Banque nationale suisse (BNS) est, d’office, aussi celle du Liechtenstein qui, en matière de trafic des paiements, bénéficie des infrastructures helvétiques. Entre les autorités, les faîtières et les instituts bancaires des deux Etats, les collaborations sont étroites, assure le directeur.

Malgré ces “liens spéciaux”, aucun accord n’existe entre Berne et Vaduz qui facilite l’établissement de filiales helvétiques dans la monarchie parlementaire alpine. Juridiquement et à cause du droit de l’UE applicable au Liechtenstein, elles sont soumises aux mêmes conditions qu’un concurrent en dehors de l’EEE.

Bientôt une seule banque

Quand bien même l’Autorité des marchés financiers du Liechtenstein (FMA) présente explicitement le pays comme un “hub” pour le marché européen à l’attention des acteurs de marché helvétiques, ceux-ci ne s’y sont jamais rués. Le premier à faire le pas, en 1998 après l’entrée de la principauté dans l’EEE, est une entité de la banque privée saint-galloise Wegelin, plus tard Swissfirst puis Pasche, rachetée par la luxembourgeoise Havilland en 2014.

Aujourd’hui, 15 banques, dont sept en mains étrangères, opèrent au Liechtenstein, où le secteur financier, y compris les intermédiaires, contribue pour un bon quart au produit intérieur brut. Deux filiales d’instituts suisses y sont actives: EFG Bank von Ernst, implantée fin 1998, et Vontobel, présente depuis l’année 2000, mais plus pour longtemps.

La banque privée zurichoise vient en effet de céder ses activités au Liechtenstein au gestionnaire de fortune indigène Kaiser Partner Private Bank. Vontobel entend se concentrer sur sa plateforme en Allemagne, qu’elle utilise comme tremplin pour atteindre la clientèle européenne, s’est-elle justifiée.

Sous observation

Car les banques helvétiques, privées d’accès aux marchés stratégiques européens, misent pour l’heure sur la voie bilatérale. Des développements qui n’inquiètent pas pour autant l’Association des banques du Liechtenstein, même si la micro-place a chuté de la 48e à la 64e au dernier classement de référence Global Financial Centres Index (GFCI).

Pour les gros instituts helvétiques déjà implantés sur les marchés clés européens, un site au Liechtenstein n’a pas de sens, convient M. Tribelhorn. Mais il soutient que pour les plus petits instituts sans accès au marché unique, c’est une porte vers l’Europe. “Nous sommes une bonne alternative aux autres places”, affirme-t-il.

Si l’option liechtensteinoise reste méconnue, elle le doit aussi à son passé, avant la stratégie de l’argent propre adoptée en 2009. “La réputation est quelque chose de fragile”, déclare Simon Tribelhorn, évoquant des préjugés négatifs persistants. “Nous sommes toujours sous observation et devons faire nos preuves”, rappelle-t-il.

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