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Les mutins libèrent le ministre ivoirien de la Défense à Bouaké

Des soldats mutins contrôlaient les rues d'Abidjan samedi. KEYSTONE/EPA/LEGNAN KOULA sda-ats

(Keystone-ATS) Le ministre ivoirien de la Défense Alain Richard Donwahi a été libéré samedi soir. Des soldats ivoiriens mutins le retenaient à Bouaké, la deuxième ville du pays, malgré l’annonce du président Alassane Ouattara d’un “accord” sur une amélioration de leurs conditions.

“Ouvrez les portes, ils vont sortir”, a hurlé un soldat. Puis Alain Richard Donwahi et sa délégation ont quitté la résidence du sous-préfet où ils avaient été retenus pendant un peu plus de deux heures, ont rapporté des collaborateurs des agences AFP et Reuters. Ils se sont ensuite dirigés vers l’aéroport d’où leur avion a décollé immédiatement. Ni le ministre ni les représentants des mutins n’ont fait de déclaration à leur sortie.

Dans une brève allocution télévisée en début de soirée, Alassane Ouattara avait annoncé son “accord pour la prise en compte des revendications relatives aux primes et à l’amélioration des conditions de vie des soldats”. “Ayant marqué mon accord, je demande à tous les soldats de regagner leurs casernes pour permettre l’exécution de ces décisions dans le calme”.

Cet accord avait été scellé à Bouaké à l’issue d’une rencontre entre le ministre et des soldats mutins. Ces derniers réclament le paiement de primes, des augmentations de solde, une promotion plus rapide entre les grades et des logements.

Paiement immédiat

Mais à peine l’accord annoncé que des soldats en colère se sont massés devant la résidence du sous-préfet où avaient lieu les discussions et ont ouvert le feu, prenant au piège le ministre Donwahi, ainsi que le commandant adjoint de la Garde républicaine, le maire de Bouaké et des journalistes. Les militaires ont réclamé d’être payés immédiatement et non la semaine prochaine. Après la libération du ministre, ils ont levé les barrages interdisant l’entrée dans Bouaké.

Ce mouvement de contestation a éclaté vendredi matin à Bouaké, deuxième ville du pays et ancien siège de la rébellion nordiste déclenchée en 2002 contre l’ex-président Laurent Gbagbo jusqu’à l’investiture en 2011 d’Alassane Ouattara.

Vendredi, le mouvement s’était étendu aux villes de Daloa et Daoukro (centre), Korhogo et Odienné (nord), où la situation semblait être revenue au calme samedi. Le mouvement a cependant gagné samedi Man, la grande ville de l’Ouest, où des tirs ont été entendus et des militaires ont paradé en ville.

A Abidjan aussi

La situation s’était aussi brusquement tendue samedi à Abidjan, la capitale économique ivoirienne – où siègent la présidence, le gouvernement et le Parlement de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Des tirs ont été entendus dans un camp militaire et des barrages mis en place par des militaires.

Des soldats ont bloqué l’accès à un carrefour stratégique situé près de ce camp militaire, dans le quartier chic de Cocody. “Les militaires étaient arrêtés au rond-point devant le camp, demandant aux automobilistes de faire demi-tour. Selon des images diffusées à la télévision nationale samedi soir, le calme était cependant revenu devant le camp où la circulation a repris.

Des militaires du groupement de la sécurité présidentielle (GSPR), un corps d’élite, puissamment armés sillonnaient le quartier désert du Plateau, siège de la présidence ivoirienne. Cette situation est inédite à Abidjan depuis décembre 1999, où la mutinerie des militaires avait débouché sur la chute de l’ex-président Henri Konan Bédié (1993-1999).

Difficile normalisation

Alassane Ouattara, qui s’était rendu samedi au Ghana pour l’investiture du nouveau chef de l’Etat, a regagné Abidjan dans l’après-midi. Un conseil des ministres extraordinaire sur cette crise s’est tenu en fin de journée.

En novembre 2014 déjà, une vague de protestations de soldats était partie de Bouaké pour s’étendre à Abidjan et d’autres villes. Le non-paiement des arriérés de soldes de 2009-2011 et de 2011-2014 des ex-combattants rebelles avait été présenté comme le principal motif de mécontentement.

Cette nouvelle crise survient moins de trois semaines après les élections législatives du 18 décembre, considérées comme un pas de plus franchi sur la voie d’une normalisation après la grave crise politique armée de 2002-2011.

Le gouvernement a présenté récemment une ambitieuse loi de programmation militaire jusqu’en 2020 qui prévoit achats d’équipements et refonte des effectifs. L’armée ivoirienne – 22.000 hommes au total – compte beaucoup trop de gradés pour peu de soldats.

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