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Les prostituées jugent “préjudiciable” la pénalisation des clients

Le manque à gagner des péripatéticiennes mis en avant dans l'enquête diffusée jeudi (archives) KEYSTONE/AP/CHRISTOPHE ENA sda-ats

(Keystone-ATS) Revenus en baisse, violences en hausse: les travailleuses du sexe jugent “préjudiciable” la loi qui pénalise leurs clients deux ans après sa mise en application en France. Une enquête vient de faire le point auprès de plus 600 prostituées.

La mesure la plus forte de la loi entrée en vigueur le 13 avril 2016 concerne les clients de prostituées sur la voie publique qui risquent une amende de 1500 euros, voire 3750 euros en cas de récidive. C’est de ce pan de la législation dont les travailleuses du sexe interrogées se plaignent dans cette enquête publiée jeudi par plusieurs associations et des ONG.

La peur du gendarme éloigne les clients, leur nombre diminue, ce qui provoque une baisse des revenus des prostitués, pointe l’enquête coordonnée par Médecins du Monde et publiée par l’association Aides, le Planning familial et le syndicat du travail sexuel (Strass).

Entre avril 2016 et mars 2018, 2354 clients ont été verbalisés par les forces de l’ordre dans toute la France, selon des chiffres transmis à l’AFP. En outre, la loi a provoqué une pression à la baisse sur les prix: plus rare, le client “impose plus souvent ses conditions”, car c’est lui “qui prend des risques”.

L’enquête relève d’ailleurs que 78,2% des travailleuses du sexe interrogées ont constaté une baisse de leurs revenus.

Salaire divisé par quatre

Une travailleuse du sexe dans le quartier parisien de Belleville, confirme cette tendance. “Avant, je me faisais jusqu’à 400 euros par jour, mais aujourd’hui j’arrive difficilement à 100 euros”, se lamente cette femme d’une cinquantaine d’années.

La raréfaction de la clientèle pousse aussi les prostituées à accepter des clients qu’elles “n’auraient pas acceptés autrefois, quitte à risquer une plus forte exposition aux violences” et à des pratiques sexuelles à risques. Ainsi, le port du préservatif “redevient un enjeu de négociations avec le client”, relève encore cette enquête.

Au total, 62,9% des personnes interrogées pour l’enquête “constatent une détérioration de leurs conditions de vie depuis avril 2016”. Cet état de fait se manifeste par un stress plus élevé, de la fatigue, voire un état dépressif. Certaines prostituées étrangères évoquent aussi une multiplication des contrôles d’identité.

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