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Les Suisses disent “oui” à 64,7% aux détectives anti-fraude

La carte des résultats sur le vote contre les abus dans les assurances sociales. Keystone-ATS sda-ats

(Keystone-ATS) Des détectives privés pourront à nouveau traquer les fraudeurs à l’assurance sociale. Les Suisses ont accepté dimanche à 64,7% la base légale permettant l’observation secrète d’assurés soupçonnés de triche. Seuls Genève et le Jura ont refusé.

A Genève, le “non” s’est imposé par 58,6%. Les Jurassiens ont rejeté le texte par 51,4% des voix. Tous les autres cantons ont dit oui, mais le soutien est moins fort en terres romandes. Outre-Sarine, la base légale a toujours convaincu plus de six citoyens sur dix. Le résultat était attendu.

Malgré une campagne très active, les opposants, gauche en tête, n’ont convaincu qu’une minorité de votants que la base était trop floue et violerait excessivement la vie privée d’assurés fragilisés face à des assureurs obtenant trop de pouvoirs. La majorité s’est laissé persuader que l’observation serait suffisamment encadrée.

La nouvelle base légale permettra des enregistrements visuels et sonores, mais aussi le recours à des techniques de localisation de l’assuré, comme les traceurs GPS fixés sur une voiture. Dans ce cas, il faudra toutefois l’autorisation d’un juge. L’usage de drone n’est pas explicitement exclu, même s’il fait débat.

La surveillance ne sera pas limitée à l’espace public. Un assuré pourra être épié sur son balcon par exemple, la condition étant qu’il soit visible d’un endroit librement accessible. La Cour européenne des droits de l’homme avait rappelé la Suisse à l’ordre il y a deux ans, estimant sa législation insuffisante pour autoriser un tel espionnage.

Précisions nécessaires

L’acceptation claire de la loi sur la surveillance des assurés ne signe pas pour autant la fin du débat, selon les perdants de dimanche. “Nous devons désormais suivre attentivement les décisions des juges qui devront se prononcer sur des mesures de surveillance”, selon la conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts/GE).

Mais dans l’immédiat, la gauche entend bien lever les ambiguïtés de la loi dans le cadre des ordonnances d’application de la loi. Il s’agira de préciser trois points, explique la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD). D’une part les lieux où un assuré peut être observé, deuxièmement les exigences posées pour les détectives et enfin l’interdiction de recourir à des drones.

Le Conseil fédéral a déjà mis en consultation les exigences auxquelles les détectives devront répondre. Si tout est clarifié à temps, la nouvelle base légale pour la surveillance des assurés pourrait entrer en vigueur avant le 1er janvier 2020, a précisé le ministre des assurances sociales Alain Berset.

L’avocat Philipp Stolkin, membre actif du comité référendaire, ne croit quant à lui pas aux garanties données de ne pas filmer dans la chambre à coucher. Selon lui, il est plus que probable que les personnes concernées recourront une nouvelle fois jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour faire valoir leurs droits. Ce sera la course à qui arrivera en premier à Strasbourg, prédit-il.

Une solidarité sans tricheurs

Pour la droite, au contraire, le vote des Suisses illustre au contraire la confiance des Suisses dans le système des assurances sociales, a déclaré le conseiller national Benjamin Roduit (PDC/VS). Le Valaisan compte sur une application de la loi telle qu’elle a été présentée et discutée.

Le débat sur le caractère exagéré ou non des mesures de surveillance était utile, ajoute Benoît Genecand (PLR/GE). En Suisse, les assurances sociales sont basées sur le principe que tout le monde cotise pour que les plus faibles puissent être protégés.

“Une majorité des Suisses est attachée à ce principe. Mais cette forme de solidarité est associée à une exigence très forte qu’il ne faut pas tricher avec le système”, selon le Genevois. Les milieux patronaux saluent la décision des Suisses. La surveillance est mesurée et elle améliore la justice dans ce domaine.

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